“Le Protocole de l’Elysée” : Les révélations sur les scandales des contrats pétroliers

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“Le Protocole de l’Elysée, les confidences d’un ancien ministre sénégalais du pétrole”, est le brûlot publié aux éditions Fauves par le leader de la République des valeurs, Thierno Alassane Sall. Un ouvrage qui agite des dossiers émaillés de nébuleuse…

De nouvelles et inédites révélations sur les scandales des contrats pétroliers (Bonnes feuilles)

Nous croyions avoir terminé avec les scandales des contrats pétroliers qui avaient secoué le Sénégal, en particulier le landerneau politique. L’affaire PETROTIM a subi un enterrement de première classe par la justice au moyen d’une procédure aussi inédite qu’abracadabrante : un appel à témoins. Les contrats signés avec le Groupe TOTAL, unanimement jugés léonins par les sénégalais, n’occupent plus le devant de la scène médiatique. L’absence d’évocation, par la presse, de ces scandales en lien avec les contrats pétroliers a donné l’impression que ces affaires étaient définitivement rangées dans l’oubli. C’était sans compter sur la détermination de l’ancien Ministre de l’Énergie, Thierno Alassane Sall, qui fait du triomphe de la vérité sur ces affaires aux relents d’une spoliation de nos ressources naturelles, un engagement sacerdotal. Il vient de publier un ouvrage qui livre son témoignage sur plusieurs aspects, jamais abordés et méconnus du public, qu’il a eus à connaître dans son rôle d’acteur privilégié.

Le titre de l’ouvrage est en lui-même évocateur d’un épisode sombre dans la gouvernance des ressources naturelles du pays : « Le Protocole de l’Élysée. Confidences d’un ancien ministre sénégalais du pétrole ». Il ravive ainsi des souvenirs et des évènements ayant fait la manchette de la presse sénégalaise pendant plusieurs mois notamment les faits d’armes d’un intellectuel et technocrate accompli, entré en politique sur le tard, qui s’était révélé aux sénégalais par son courage, voire sa témérité ainsi que son indépendance d’esprit. Loin d’un pamphlet ou d’un brûlot, c’est un ouvrage captivant et factuel qui utilise une grille d’analyse des évènements révélatrice des talents et du haut niveau intellectuel de l’auteur. En dépit de son volume (506 pages !), sa lecture est aisée et son contenu fort instructif.

Pourquoi avoir attendu maintenant pour témoigner ?

C’est à cette question que l’auteur répond en « Avant-propos » pour, à la fois, donner du sens à son témoignage et expliquer les raisons qui l’ont poussé à sortir de son silence. En effet, suite à son départ du Ministère de l’Énergie, l’auteur s’est voulu respectueux des règles qui régissent le fonctionnement d’un État de droit et d’une République démocratique en se gardant de s’épancher, publiquement, sur des évènements sensibles connus dans l’exercice de ses fonctions ministérielles. C’est par la suite qu’il s’est rendu compte d’être en face d’une « conspiration du silence, une omerta » organisée autour du scandale des contrats pétroliers, lequel l’avait amené à démissionner de son poste de Ministre de l’Énergie. Il s’est vite rendu à l’évidence, au rythme frénétique des révélations faites par la presse, qu’on lui avait caché, délibérément, plusieurs informations de grande importance renseignant notamment sur l’ampleur, les auteurs et les complices des forfaits commis pour spolier le Sénégal de ses ressources. C’est ainsi que la révélation de l’existence d’un rapport de l’Inspection générale d’État (IGE), estampillé secret, puis la divulgation, en mai 2017, de son contenu par la presse ont eu sur lui un effet de « tremblement de terre de magnitude exceptionnelle ». En effet, ce rapport, largement relayé dans les réseaux sociaux, rapportait des faits qu’il ignorait jusqu’à son départ du Ministère de l’Énergie. Des faits graves portant sur les conditions nébuleuses dans lesquelles des permis de recherche d’hydrocarbures furent attribués à PETROTIM du sulfureux Frank Timis.

Plus inacceptable, est l’immobilisme effarent des institutions qui doivent servir de contrepouvoirs à l’Exécutif face à la gravité des faits de corruption et de concussion supposés dans l’affaire PETROTIM, lesquels ont occupé le devant de la scène médiatique nationale et fait la manchette d’une partie de presse internationale. L’Assemblée Nationale et le pouvoir judiciaire brillaient par leur indolence, signe de complicité ou de vassalisation (ou les deux à la fois), en s’abstenant de diligenter des actions de sauvegarde des intérêts nationaux et de situer les responsabilités. À la place d’une enquête parlementaire et/ou judiciaire, on a eu affaire à une mascarade judiciaire sous la trame d’un « appel à témoins » sorti de la manche du Procureur de la République.

Les ressources nationales, censées appartenir à tous les sénégalais, ont été aliénées par et au profit d’une petite bande de personnes. Cela est d’une extrême gravité et constitutif de crimes économiques. Leurs auteurs auront à répondre de leur forfaiture devant les juridictions compétentes, peu importe le temps que cela prendra. Sauf s’ils réussissaient leurs manœuvres dilatoires et honteuses consistant à vouloir s’offrir, par avance, une protection grâce à l’adoption d’une loi d’amnistie de tous les crimes et délits économiques sur la base d’une recommandation qui serait faite par les participants au fameux « dialogue national ».

L’auteur s’est placé face à un dilemme, car devant répondre aux deux questions suivantes : « Que faire devant un tel diagnostic vital d’une omerta organisée ? Obéir à des convenances qui, en définitive, protègent des personnes qui ont violé les intérêts supérieurs de la Nation ? ». Ses réponses coulent de source et découlent de « l’inestimable valeur de la vérité » reçue en éducation et renforcée au gré de son évolution. Il doit assumer ses responsabilités en témoignant pour que son silence ne soit pas synonyme de complicité. Cela ne pouvait être autrement pour celui qui porte le nom de son grand-père, lequel « a vécu toute sa vie pour deux choses : ses champs et sa natte de prières ».

Lorsque les hauts fonctionnaires, anciens de PETROSEN ou du Cabinet présidentiel deviennent les agents des compagnies pétrolières

Thierno Alassane Sall est revenu, sans surprise, sur l’affaire Frank Timis en dévoilant plusieurs aspects nouveaux de ce scandale qui restera dans les annales de la gestion des ressources naturelles du pays. À travers son récit, on peut sentir la déception d’un homme. En effet, lorsque les découvertes d’hydrocarbures dans les deux blocs de Cayar étaient confirmées, cela avait fait naître en lui un grand espoir de voir, enfin, « la malédiction de la pauvreté desserrer son étreinte sur le Sénégal ». Une observation attentive et une analyse exhaustive de la situation, mais aussi l’adoption d’une attitude alerte et investigatrice en partant d’incohérences et d’anomalies constatées çà et là, lui ont permis de se rendre à l’évidence que les choses n’étaient aussi porteuses d’espoir qu’il le pensait. Il ne découvre qu’une partie de la réalité, et cela est suffisant pour lui permettre de constater que la gestion des contrats de recherche, de production et de partage des hydrocarbures était loin d’être menée de façon rationnelle et dans l’intérêt du peuple sénégalais. Cette gestion s’est déroulée, depuis le début, en ayant comme toile de fond les conflits d’intérêts et la patrimonialisation. Certains bénéficiaires de ces contrats n’étaient, en fait, que de vrais flibustiers des temps modernes, des spéculateurs inconnus au bataillon des compagnies ayant fait leurs preuves dans la recherche et l’exploitation des hydrocarbures à travers le monde. Frank Timis faisait partie de cette catégorie.

L’auteur met sur la table plusieurs faits nouveaux. En sa qualité de Ministre de l’Énergie, les coups de pieds donnés à la fourmilière, en refusant de renouveler et en menaçant de mettre fin à plusieurs contrats de recherche non exécutés conformément aux engagements contractuels souscrits, lui ont permis de découvrir que plusieurs personnes, qui se cachaient derrière les compagnies attributaires, étaient des dignitaires du régime. C’est le cas, par exemple, de Serigne MBoup, ancien DG de PETROSEN ensuite devenu PCA de la SAR, qui représentait la compagnie Trace, titulaire d’un contrat de recherche. Un autre exemple, est celui d’Abdoul Aziz Mbaye, premier Directeur de Cabinet de Macky et ensuite Ministre de la Culture, celui-là même qui avait chargé, au nom du Président de la République, l’IGE de mener une enquête sur les contrats de Frank Timis au lendemain de l’arrivée au pouvoir de Macky Sall. On découvre qu’ii était un fervent défenseur des intérêts de la compagnie Elenilto. Ces nouveaux éléments prouvent, a posteriori, que tout le débat sur le scandale PETROTIM et sur la gestion des contrats de recherche d’hydrocarbures était largement pipé. Le peuple a été berné. En effet, ces deux personnages figuraient parmi les Experts les plus en vue qui écumaient les plateaux de télés et de radios pour expliquer, sous le sceau de leur expertise, la normalité de la situation. Ils étaient, en fait, des parties prenantes à cette grosse œuvre de spoliation de nos ressources en hydrocarbures ! Ils prenaient la défense du Gouvernement et d’Aliou Sall sans en avoir l’air à force d’arguments de circonstance enrobés d’éléments techniques et scientifiques. C’étaient des personnes intéressées et ayant des intérêts personnels dans le secteur des hydrocarbures qui étaient souvent chargées d’éclairer la lanterne des sénégalais. Une supercherie qui fait du peuple le dindon de la farce !

Un autre fait majeur révélé par l’auteur fait voler en éclats l’une des principales lignes de défense d’Aliou Sall, frère du Président. En effet, lorsque le scandale PETROTIM était porté sur la place publique, Aliou Sall déclarait, urbi sur orbi, qu’il ne se mêlait plus des intérêts de Frank Timis au Sénégal, ceci depuis 2014. Or, l’auteur rapporte, entre la fin de l’année 2015 et le début 2016, ce même Aliou Sall faisait le pied de grue à son domicile et ne cessait de lui envoyer des messages téléphoniques dans le seul but d’obtenir un avenant au profit de la compagnie African Petroleum, titulaire d’un permis sur le bloc Rufisque Offshore Profond et dans laquelle Frank Timis avait des intérêts. Lorsqu’il fut enfin reçu par l’auteur, Aliou Sall était accompagné d’un autre ancien DG de PETROSEN, Djibril Amadou Kanouté ! Ces « liens incestueux » ont pris une ampleur insoupçonnée lorsque Thierno Alassane Sall entreprit de mettre fin au contrat de la compagnie nigériane ORANTO.

L’une des révélations de taille faite par l’auteur est la confirmation que Macky Sall était bel et bien en relation avec Frank Timis. En effet, Thierno Alassane Sall parvient, à force d’éléments factuels et bien documentés, à démontrer l’implication directe du Président Macky Sall, de son Premier ministre, Abdallah Boun Dionne, et de son frère, Aliou Sall dans l’affaire PETROTIM. Ce qui constitue une révélation de taille. Une révélation qui anéantit le seul argument de défense des thuriféraires du régime qui s’étaient érigés en boucliers lorsqu’ils affirmaient qu’Aliou Sall aurait agi sans que son grand-frère ne soit au courant et qu’il s’était ressaisi en quittant aussitôt PETROTIM. On se rend compte, aujourd’hui, avec les nouvelles révélations de Thierno Alassane Sall que ceci n’était qu’une fable.

Revenant sur le cas de Frank Timis, l’auteur fait état de sa curiosité à l’égard de ce personnage qui bénéficiait de « connexions personnelles en haut lieu » au point n’avoir jamais senti le besoin de traiter avec le Ministre de l’Énergie qu’il était ou de passer par lui pour décrocher une audience avec le Président de la République. Tout le contraire des autres dirigeants de sociétés plus importantes (Kosmos, Cairn, BP plus tard) qui prenaient la peine de se formaliser avec le ministère de l’Énergie. Paradoxalement, c’est ce même Frank Timis, qui « brillait par son absence », qui lui faisait parvenir, régulièrement, des récriminations par le canal du … Président Macky Sall himself ! Les lecteurs seront surpris d’apprendre jusqu’à quel point le Président de la République et son Premier ministre, Abdallah Boun Dionne, ont influé sur les transactions entourant la vente, par Frank Timis, des 30 % qui lui restaient dans les blocs de Cayar Offshore Profond et de Saint-Louis Offshore Profond. Les deux têtes de l’Exécutif se sont prêtés aux jeux de dupes et de chantage à des fins spéculatives auxquels Frank Timis se livrait en l’aidant à mousser son offre jusqu’à atteindre le montant de 250 millions de dollars ! Sur tous ces éléments, l’auteur donne des éléments factuels, précis et irréfutables dans le livre. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant d’apprendre, par l’auteur, que le dossier de Frank Timis, supposé être intégral, qu’on lui avait remis, à sa demande, ne contenait rien de probant ! Le dossier était quasi vide.

Enfin, une parmi les révélations de l’auteur et non des moindres, est celle relative au revirement spectaculaire d’Aly NGouille Ndiaye dans la gestion du dossier PETROTIM. L’auteur nous apprend qu’aussitôt après son installation comme Ministre de l’Énergie, Aly NGouille reçut une plainte de la représentante de TULLOW OIL qui dénonçait des « pratiques sordides qui lui auraient coûté au dernier moment, des permis qu’elle négociait depuis trois ans ». Elle alla jusqu’à incriminer, nommément, les deux ministres qui l’avaient précédé à ce poste : Samuel Sarr et Karim Meïssa Wade. Aly NGouille Ndiaye s’empressa de transmettre la plainte au Président de la République et ouvrit une enquête pour faire la lumière sur ces sérieuses allégations notamment pour établir l’illégalité des contrats accordés à PETROTIM. Tous les éléments qu’il a recueillis prouvaient les vices rédhibitoires qui entachaient ces contrats. Ces constats devaient entrainer, ipso facto, l’annulation des contrats frauduleusement octroyés à Frank Timis (entre les deux tours des élections présidentielles, puis antidatés au 17 janvier 2012) en violation du Code pétrolier (l’avis obligatoire sous quinzaine du Ministre de l’Économie et des Fiances n’était pas requis). De manière brusque, il fait un revirement spectaculaire en validant les contrats dont l’illégalité était manifestement établie.

Pourquoi ce revirement d’Ali NGouille Ndiaye ? Sur la foi de preuves irréfutables, l’auteur parvient à prouver, sans ambages, l’existence de liens établis entre Aly NGouille Ndiaye et Aliou Sall, en sa qualité de Country Manager de PETROTIM. C’est ainsi que le Ministre Aly Ngouille Ndiaye a requis un « dossier complémentaire » à Aliou Sall que celui-ci ne manqua pas de lui faire parvenir. Ce qui prouve, si besoin est, que les contrats octroyés à Frank Timis, par le régime sortant de Wade, l’ont été sur la base d’un dossier incomplet. C’est par la suite que le Ministre Aly NGouille Ndiaye s’attela à la rédaction des rapports de présentation des décrets d’approbation qui devaient être soumis à la signature de Macky Sall. Les faussetés et mensonges contenus dans ces rapports de présentation sont de notoriété publique et ont conduit l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, qui avait contresigné les deux décrets d’approbation, à saisir la justice pour faux. Malgré le fait que le Président Macky Sall ait été au courant du caractère mensonger des informations contenues dans les rapports (elles étaient fabriquées de toutes pièces), il « s’est empressé intentionnellement d’approuver les contrats » avant la remise du rapport de l’IGE lui recommandant ne pas les signer. De manière plus curieuse, voire plus grave, le Président Macky Sall a rapporté tous les décrets pris illégalement par le Président Wade (contrôle des communications téléphoniques entrant au Sénégal, contrôle des passagers à l’aéroport de Dakar par l’entreprise Sécuriport, etc.), conformément à ses engagements électoraux, sauf les deux concernant Frank Timis. Pourquoi cette action sélective que rien ne justifie ? L’auteur donne des informations fiables et matériellement établies pouvant permettre à chaque lecteur de se faire une idée claire sur les personnes à qui le crime a profité en plus de Frank Timis.

Les intérêts de la France d’abord, au nom de la souveraineté !

Après avoir réussi à évincer, du bloc Rufisque Offshore Profond, l’autre compagnie où Frank Timis détenait des intérêts, African Petroleum, Thierno Alassane Sall avait cru que la meilleure stratégie était de temporiser et ne pas se précipiter en cédant ce bloc à une autre compagnie. Il préconisait de faire le point sur les contrats passés et en cours et d’en tirer tous les enseignements utiles pour que le Sénégal puisse profiter, maximalement, de ce bloc prometteur. Il n’a pas été suivi en cela par le Président Macky Sall que son Premier ministre, Abdallah Boun Dionne, présente comme « le meilleur ingénieur en pétrole » du Sénégal. L’intérêt déclaré de la France pour le pétrole sénégalais, exprimé par le Premier ministre Emmanuel Valls lors de sa visite au Sénégal, puis matérialisé par un protocole d’accord de déclaration d’intérêt signé en marge de la visite d’État du Président Macky Sall en France, en décembre 2016, ont fini de porter les germes d’une rupture définitive entre les deux compagnons (Macky Sall et Thierno Alassane Sall).

En effet, l’attractivité du bloc du bloc Rufisque Offshore Profond au regard de ses potentialités, a fait accourir plusieurs compagnies notamment des majors. C’est ainsi que six compagnies ou groupes de compagnies, dont le Groupe TOTAL, avaient fait des soumissions pour décrocher ce bloc prometteur : British Petroleum (BP), Kosmos Energy, Cairn Energy, Tullow Oil, First Autralian Ressources (FAR), etc. Le classement opéré par PETROSEN après évaluation des offres reçues, sur la base de 18 critères, place le Groupe TOTAL à la cinquième place sur six. Le Président Macky trouvait cet exercice d’évaluation inutile et sommait Thierno Alassane Sall, en plein Conseil des ministres, d’attribuer le contrat au Groupe TOTAL, ceci pour des raisons de souveraineté. Lorsque Thierno Alassane s’objecta en lui rappelant que l’offre du Groupe TOTAL était moins avantageuse comparativement à celles des autres compagnies concurrentes et que l’octroi d’un permis, tel que prévu par le Code pétrolier, ne prévoyait pas des raisons de souveraineté, il ne faisait que soulever l’ire présidentielle. Ordre lui était enjoint d’exécuter, sans délai, les instructions présidentielles. Le débat s’arrêta là. La seule alternative qui s’offrait aux responsables sénégalais était de demander au groupe français de bonifier son offre. Ce que le Groupe TOTAL a refusé de faire en arguant qu’il s’agit de la meilleure offre qu’il ait faite en Afrique à ce jour.

La décision de Thierno Alassane Sall était prise : son nom ne sera pas associé à cette œuvre de spoliation au profit de la France et au détriment du Sénégal, au nom des principes et valeurs qui l’avaient conduit à sortir de son douillet parcours professionnel pour s’impliquer activement en politique aux côtés de Macky Sall. En réalité, la rupture était déjà intervenue quelques jours plutôt lorsqu’il avait décidé de ne pas signer le contrat de cession des 30% qui restaient à Frank Timis dans les blocs de Cayar Offshore Profond et de Saint-Louis Offshore Profond au prix de 250 millions de dollars, royalties non incluses. Elle n’attendait qu’à être consommée. Ce qui fut fait en cette matinée du 2 mai 2017 où, pour la première fois dans l’histoire pétrolière du Sénégal, une cérémonie de signature d’un contrat de recherche, de production et de partage d’hydrocarbures se tenait au palais de la République, l’ancienne résidence officielle des gouverneurs généraux de l’Afrique occidentale française (AOF) !

Pour conclure, il importe de rappeler que le livre de Thierno Alassane Sall ne se réduit pas seulement aux scandales pétroliers. Il aborde d’autres scandales marquants du règne du Président Wade pour constater, malheureusement, que rien n’a pas beaucoup changé. C’est le cas, par exemple, de la boulimie foncière de l’élite politico-administrative, qui nous vaut aujourd’hui, de nombreux et poignants déchirements dans plusieurs foyers de tension à travers le pays. Elle est abordée par l’auteur à travers le dépeçage en règle de la bande verte qui longeait le mur Est de l’aéroport L. S. Senghor. C’est ainsi qu’une partie des réserves de sécurité de cet aéroport, déclarée zone non aedificandi, car distante de quelques centaines de mètres de la piste principale, a fait l’objet d’un partage au profit des barons du système wadien et de hauts fonctionnaires. Ceci au mépris des lois et règlements ainsi qu’aux engagements internationaux souscrits par le Sénégal. Plusieurs lots attribués se sont ensuite retrouvés sur le marché immobilier à des fins purement spéculatives et d’enrichissement personnel au risque de causer des accidents (pendant le décollage et l’atterrissage des avions) aux conséquences énormes.

Enfin, chose très intéressante, l’auteur nous décrit, avec précision et moult faits tangibles à l’appui, les mutations progressives du Président Macky Sall dans ses rapports avec les gens, particulièrement avec les femmes et les hommes qui l’ont vaillamment accompagné dans la rude marche vers le pouvoir. Il est passé d’une posture d’un leader (proximité, écoute, respect, etc.) à celle d’un démiurge (distance, soumission, autisme, etc.). Ces mutations dans sa posture sont accompagnées d’un changement moralement inacceptable : le fait de jeter aux orties les engagements, idéaux et valeurs qui lui ont valu d’être porté au pouvoir. Il a tout simplement trahi.

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