La symbolique du Magal ou l’abcd de la Mouridiyya (Par Cheikh Bamba Dieye)

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Cheikh Mouhamed Ibn Mouhamed Ibn Habiballah communément appelé Cheikh Ahmadou Bamba naquit à Mbacké Baol vers 1853. Homme de culture et soufi émérite, le fils de Mame Mor Anta Salli choisi par le saint prophète de l’Islam pour être son serviteur va très vite adopter une méthode inédite la voie de l’imitation du Prophète basée sur la sincérité et la profondeur du culte que nous devons rendre à Allah, la noblesse de caractère et l’exemplarité de notre comportement par la praxis de la Mouridiyya,.
Il n’était plus question pour lui de se contenter du rôle de professeur coranique qui enseigne les sciences de la religion, il allait devenir, le guide, le modèle et la lumière qui réactualise le message originel du prophète Mouhamed en amenant l’homme à assumer sa mission de représentant de Dieu sur terre. Sa mission était donc de faire éclore en chacun de ses disciples Al Hisanul Kamil un modèle de perfection qui sera au service de ses semblables et ne reconnaitra aucun autre seigneur que son Créateur.
A la mort de Serigne Momar Anta Salli son père, les amis de ce dernier vinrent le voir pour l’amener auprès du roi du Cayor afin qu’il y occupe la place de son défunt père. Dans un de ses plus célèbres poèmes : Qaloo li irqan
« Ils m’ont dit de venir rejoindre la cour des rois…Je leur ai répondu : Allah me suffit et je me suffis à lui. De ce monde je n’ai nul besoin si ce n’est la foi et la connaissance »
Par la nature même de son projet Serigne Touba devenait une cible idéale pour tout pouvoir, colonial en particulier dont le projet vise à altérer, domestiquer l’intellect et le mental des peuples sous domination afin qu’ils deviennent les sujets dociles d’une servitude imposée et plus tard souhaitée et voulue si l’on observe les réactions des élites africaines post indépendances.
Le projet de Borom Touba qui est de libérer l’être pour le réconcilier avec son essence était devenu l’antithèse de la démarche occidentale qui est d’asservir le corps et l’esprit pour obliger l’être humain à servir un projet d’acculturation, de domination politique et économique des peuples sous domination. Dépouillés de tous droits nous risquons avec un tel projet de perdre notre identité pour des personnalités d’emprunt.
L’administration coloniale voyait en Serigne Touba le nouvel ennemi à abattre, un adversaire encore plus redoutable parce qu’il positionnait son combat dans les domaines exclusifs de la foi et de la science avec pour objectif de libérer par la Khidma, l’homme de toutes formes d’aliénations pour le rendre disponible à la seule quête qui vaille.
En 1891, une décision coloniale expulse les disciples du Cheikh de leur terroir et Borom Touba fut traité d’agitateur, d’ambitieux, sa voie d’hérésie, de vagabondage islamique et ses adeptes de pilleurs, de corrompus, d’exploités.
En 1895, il s’installa au Jolof sous le règne de Samba Laobé Penda. Il sera appréhendé le 10 aout 1895 à Djéwol. Conduit sous bonne escorte à Saint Louis, Il sera jugé par le conseil privé le 5 septembre 1895 et exiler au Gabon.
Le Magal célèbre le départ pour l’exil de Cheikhinal Khadim le 18 du mois de safar 1313. Cet exil forcé est la conséquence du procès inique ou le faux et la malveillance côtoient la crainte de voir un negro africain poser par la puissance de son engagement, la finesse et l’intelligence de sa démarche les bases de la libération des peuples opprimés.
« Si vous dites que je fais la guerre sainte, oui vous avez raison – Je la mène avec pour seules armes la science et la crainte révérencielle »
« Je n’ai aucun besoin de ce monde futile et périssable – Prenez la terre et son contenu mais laissez-moi une modeste parcelle pour adorer mon Créateur »
Loin de l’ascète reclus ou de l’adepte du machiavélisme existentielle l’homme de Dieu version Khadimou Rassoul est un être du juste milieu homme parmi les hommes dans l’exercice de sa citoyenneté et être de lumière par la proximité qu’il développe avec son Créateur.
Le Magal de Touba conséquence de la confrontation inévitable entre deux projets de société divergeant porte l’essence de la Mouridiyya. Il est le témoin que Khadimou Rassoul accepte la charge de serviteur du prophète et de sauveur de la Ummah. Serigne Moussa Ka le résume assez bien dans le tableau sombre qu’il fait de la société sénégambienne de l’époque.
« N’eut été cet exil, je jure par Dieu que les wolofs (comprendre les autochtones) se seraient tous occidentalisés et tous iraient en enfer »… « Les fils de marabouts étaient aliénés et à la solde de chefs de provinces colonisés »…. « Les marabouts étaient les complices de souverains pour imposer illégalement des redevances »… « Les plus éminents savants se transformèrent en faux dévots »
C’est dans ce contexte ou libertinages et corruption achevèrent de déliter l’islam que Khadimou Rassoul érigea la Mouridiyya comme alternative à la dérive identitaire, à la crise morale et religieuse. Il est reconnu par la volonté du Tout puissant : « Sauveur de l’humain et Serviteur de Saint Prophète »
En célébrant son départ pour un exil qui se prolongera après son retour du Gabon par un autre exil en Mauritanie en 1903 et deux résidences surveillées à Thieyène en 1907 et à Diourbel en 1912, jusqu’au 19 juillet 1927 date de son retour à Touba, Serigne Touba a voulu sacraliser le culte du travail et de l’effort comme socle de la réussite. Il a aussi insufflé au mouride une discipline de vie et la persévérance.
Homme de foi : il a porté sa confiance en Dieu sans jamais faillir au point que son départ avec sa charge émotionnelle et ses incertitudes sur l’issue de son combat ne l’on jamais confondu dans ses certitudes. Il savait, qu’il allait par la grâce de Dieu et le soutien de son prophète triompher de toutes adversités.
Homme de science et stratège: il a su éviter le piège de la guerre conventionnelle avec son lot de morts et de dévastation pour entrainer l’administration coloniale vers une confrontation plus efficiente celui de la guerre par la science et la crainte révérencielle qui aura plusieurs bénéfices. Celui de ne point décimer les élites tout en pérennisant la continuité de la formation des disciples véritables murs de défense contre la volonté d’acculturation et domination des peuples colonisés. Celui aussi de laisser à la postérité une voie : la Mouridiyya qui réconcilie l’être humain avec son créateur en faisant du disciple un citoyen modèle au service de l’humain.
Homme de paix et d’ouverture : il mit son combat au service de la libération de l’homme et de tous les hommes. Par le pardon et la réconciliation des peuples, il annonce le monde globalisé, interconnecté et multiculturel que nous vivons aujourd’hui. Sa contribution au développement de la foi et la science restera le plus sur liant pour un brassage harmonieux entre les hommes de cultures et de foi différente.
« Je pardonne à tous mes ennemies pour l’amour du Seigneur qui les a écarté de moi à jamais aussi je ne songe point à me venger.
Tout dans le Magal renvoie à la Mouridiyya et renseigne le disciple sur comment il devra organiser sa vie, réguler ses rapports sociaux et entretenir sa proximité avec Dieu. Foi, Sacrifice, abnégation et volonté d’être le serviteur du prophète dans la solitude de son exil comme dans l’adversité ont été les articulations de la trajectoire de Borom Touba avant et pendant les 33 d’exils et de privation de libertés qu’il a enduré pour la gloire de son Seigneur et Créateur. Etre mouride c’est par conséquent suivre la trace de Khadimou Rassoul en imprégnant le moindre aspect de notre vie du parfum exquis la praxis de Khadimou Rassoul.
La Magal, moment de grâces et de remerciements doit aussi être un moment d’introspection, de mise à niveau par rapport à notre engagement à servir le Serviteur du Prophète dans sa volonté de construire un homme modèle de perfection. Un être à l’image du prophète qui vivra par la pratique du bien comme s’il ne devrait jamais mourir et remplira sa mission d’ouboudiyya essence de sa création et de son envoie sur terre.
La pertinence de Khadimou Rassoul a été de faire de tous nos instants de vie, des moments de prières. La discipline du travail élevée au rang de prière, unifie la temporalité et la spiritualité qui deviennent tous les deux les faces d’une seule et même pièce. Organiser sa vie, réussir et réaliser ses objectifs terrestres deviennent aussi des moments de prières.
Comme le rappeler souvent Cheikh Abdoulaye Dieye : « César et ce qui lui appartient appartiennent au Seigneur. »
Bon Magal à tous
Cheikh Bamba Dieye

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