Boubou Diouf Tall : « L’État doit faire juger ces nombreux détenus »

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Le surpeuplement carcéral et les longues détentions préventives sont à l’origine de la mutinerie qui s’est soldée hier par un mort et plusieurs blessés à la prison de Rebeuss. C’est le sentiment du magistrat Boubou Diouf Tall, le patron de l’Observatoire national des lieux de privation de liberté. Dans cette interview exclusive accordée à Seneweb, M. Tall, qui est d’avis que la situation pouvait être encore plus dramatique, esquisse des solutions, non sans exhorter l’État à prendre les choses en main. Entretien.

Mutinerie de Rebeuss

« Il s’agit d’événements que nous regrettons particulièrement parce qu’on aurait pu ne pas en arriver là. Ce n’était pas souhaitable et c’est très regrettable, mais ça aurait pu être pire. Mais comme l’a dit le directeur de l’administration pénitentiaire, lorsque 700 personnes forcent la porte d’une prison pour sortir, l’État a un devoir régalien d’assurer la sécurité des lieux qui sont sous son autorité. C’est ce qui a été fait et il y a malheureusement eu mort d’homme et des blessés. Nous en profitons pour présenter nos sincères condoléances à la famille du défunt et un prompt rétablissement aux blessés ».

Surpopulation carcérale et longue détention préventive

« Maintenant, les faits qui ont été à l’origine de ces dramatiques événements sont connus, la presse l’a beaucoup relayé. Mais ce n’est pas la première fois qu’il y a des mouvements d’humeur à la prison de Rebeuss. Ces manifestations étaient liées à des problèmes d’alimentation, de santé ou même de prise en charge sur le plan social. Mais grâce aux efforts consentis par l’État tout ça est derrière nous. Mais le véritable problème de Rebeuss, c’est le surpeuplement carcéral et les longues détentions préventives. Toute personne arrêtée a ce droit de demander à être jugée dans les délais raisonnables. C’est là mon intime conviction ».

Rendre opérationnelles les chambre criminelles

« J’ai eu à faire énormément de descentes sur le terrain et notamment dans cette prison de Rebeuss et j’ai fait beaucoup de rapports à l’intention du ministre de la Justice, le Garde des Sceaux. Si toutes les recommandations contenues dans ces rapports étaient mises en œuvre, cette mutinerie meurtrière aurait pu être évitée. Tout ce qu’il faut faire maintenant, c’est de faire juger ces personnes. J’invite l’État du Sénégal, par le biais du ministère de la Justice, à mettre en œuvre très rapidement des mesures urgentes pour permettre le jugement de ces nombreux citoyens sénégalais dans les prisons. Les chambres criminelles existent, c’est une réforme très importante qui a permis de répondre à beaucoup de situations liées à ces problèmes. Mais il faut les rendre davantage plus opérationnelles. Je demande à l’État de mettre en place un véritable plan martial pour organiser, sans désemparer et selon une cadence beaucoup plus rapprochée, des sessions de chambre criminelle pourquoi pas mensuellement ».

Pour le maintien de Rebeuss

« Il y a beaucoup de mesures prévues et que nous avons listées dans nos rapports, mais je préfère pour le moment laisser le soin au ministre de la Justice, de prendre les dispositions nécessaires. À la vérité, je préfère ne pas donner mon opinion sur le manque de volonté politique de l’État ou non. Nous n’avons pas été associés dans la démarche au projet de construction de nouvelles prisons. Mais je salue l’initiative et prie pour qu’elle se réalise parce que Rebeuss contient plus de 2500 personnes alors que la capacité d’accueil est de 800 personnes. Il est évident qu’il faut trouver les moyens de la désengorger en construisant de nouvelles prisons comme celle prévue à Sébikotane, dans les régions. Sinon les mêmes causes vont produire les mêmes effets. Je ne suis pas l’optique de fermer Rebeuss comme le pensent certains. Je suis pour le maintien de Rebeuss en plus de la construction de nouvelles prisons ».

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