Ces pays dont la croissance a créé des pauvres et des chômeurs !

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Certes, le Sénégal est le pays de la Téranga qui signifie hospitalité en français, mais cela ne doit pas être une raison pour que les hôtes viennent nous manquer de respect. Si nos dirigeants se permettent de se faire manquer de respect pour des miettes, nous n’accepterons pas ce manque de respect. Notre hôte, en l’occurrence, le ministre français de l’économie et des finances est venu sur notre sol nous dire « J’ai entendu parfois des critiques sur des grands groupes français, je considère qu’ils participent au développement du Sénégal, qui permette à chacun d’y trouver son compte. Ces groupes créent des emplois, de la prospérité pour le Sénégal, pour les habitants du Sénégal » (…) avant d’ajouter que « le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont réussi en répondant aux critiques sur la zone Fcfa. Il ajoute en disant que le Sénégal et la Cote d’Ivoire ont réussi dans le cadre de la zone franc qui apporte de la stabilité et de la garantie aux investisseurs ». Vraiment monsieur le ministre ?

Overview

Plus de dix ans de cela, le monde traversait une crise financière qui n’a épargné aucun pays. L’économie mondiale est en meilleure santé avec des banques et des investisseurs à la recherche d’investissements. L’Afrique en profite pour financer ses investissements. Le danger de cet endettement est qu’il crée une crise de la dette. Ce fut le cas dans les années 60 et 70 avec la Côte d’Ivoire et le Nigeria qui s’étaient endettés excessivement pour financer leur croissance. Quand il y a une croissance soutenue, il y a obligatoirement une création massive d’emplois et cela n’est pas le cas ni au Sénégal, ni en Côte d’Ivoire bien que les dirigeants de ces deux pays affirment le contraire. Le fait est que les pays qui ont montré une croissance rapide ont créé moins d’emplois que les pays qui ont montré une croissance modérée. La Côte d’Ivoire est classée 170 e sur 189 pays par indice de développement humain et le Sénégal est classé 164 e sur 189 pays. Le taux de pauvreté en Côte d’Ivoire est de 46 % pendant que le Sénégal affiche un taux de pauvreté de 47 %. Où va cette croissance que ces dirigeants ont tant vanté ? Les 10 pays les plus riches d’Afrique subsaharienne francophones ont un PIB globale d’environ 200 milliards de dollars. La France à elle seule, dispose d’un PIB d’environ 2 925 milliards de dollars. Selon le ministre Français de l’économie et des finances, la Côte d’Ivoire et le Sénégal sont un modèle de réussite. Avec l’intérêt des Français en Afrique, que pouvait-il dire d’autre ?

La présence française en Afrique

La libéralisation économique a été nécessaire pour le développement de tous les pays ; avec cette libéralisation, nous avons assisté à une entrée massive des multinationales au Sénégal et en Côte d’Ivoire. C’est ainsi que nous notons une importante présence des multinationales françaises. Les intérêts français sont présents dans tous les secteurs en Afrique subsaharienne, on les voit dans les secteurs des infrastructures, des télécommunications, de l’industrie et de l’agro-industrie, des services, du transport et de la grande distribution. La privatisation a été utilisée comme moyen de présence dans les pays colonisés. C’est ainsi qu’il faut noter la privatisation des opérateurs sénégalais et ivoiriens, Sonatel et Citelcom, par France Câbles et Radio, filiale de France Telecom en 1997. La Saur du groupe Bouygues, a acquis la Compagnie Ivoirienne d’Électricité en 1991 et la SDE en 1996 ; même la société Eau et Électricité du Mali ne sera pas épargné, elle sera privatisée par Saur et International. En 2001, Air France était actionnaire majoritaire de la compagnie Air Ivoire avec 51 % des parts. La présence française en Afrique et surtout en Afrique subsaharienne ne date pas d’aujourd’hui, il s’agit d’un compagnonnage qui date depuis les indépendances. Nous parlons des entreprises françaises présentes en Afrique, mais le plus grand danger se trouve être le secteur secondaire français. Ces entreprises qui sont en France ont besoin de matières premières pour leurs industries, ce qui fait que nous demeurons toujours des pays exportateurs de matières premières. Le Sénégal et la Côte d’Ivoire comme la plupart des pays africains tirent leur croissance du secteur primaire. L’industrialisation est presque inexistante et la Valeur Ajoutée Manufacturière qui permet de calculer la transformation des produits bruts est en chute libre. Selon la Banque Africaine de développement, la VAM a chuté en Afrique de presque 5 % en vingt ans. Bons nombres de pays africains ont manipulé leur PIB pour le revoir à la hausse pour une meilleure santé économique et pour réduire le taux d’endettement.

Une croissance fictive

Selon le rapport semestriel de l’UEMOA, tous les pays membre affiche un taux de croissance relativement correcte. Durant les six dernières années, le taux de croissance des pays de l’UEMOA est resté au-dessus de 6 %. Il faut noter que les investissements en infrastructures ont une corrélation positive avec un taux de croissance élevé. Cependant, il faut évaluer la dette pour savoir si ces investissements produiront un retour ou s’il s’agit juste de s’endetter pour créer une croissance fictive. Durant les six dernières années que la croissance est au-dessus de 6 %, le taux d’endettement est en hausse de presque 13 points impactant négativement les déficits des pays membre. Le Premier ministre ivoirien a affirmé que le taux d’endettement de la Côte d’Ivoire s’élevait à 42,8 % et il est heureux que cela soit en deçà de la norme de l’UEMOA qui est de 70 %. Le président sénégalais, Macky Sall, lui a affirmé que le taux d’endettement du Sénégal se situait à 47,7 % et que ce taux reste largement en dessous de la norme de l’UEMOA fixé à 70 %. Tous les dirigeants des pays membre de l’UEMOA se cachent derrière ce taux communautaire de 70 %. Quand le Mexique a annoncé en 1982, qu’il ne serait plus en mesure de payer les intérêts du service de sa dette, les créanciers se déclaraient surpris. Ces créanciers octroyaient des crédits sans conditions particulières (similaire à la crise des subprimes aux USA) et les pays débiteurs ne comptaient que sur leurs matières premières pour rembourser la dette. Quarante ans plus tard, rien ne semble avoir changé. En 1994, le taux d’endettement des pays membre de l’UEMOA était de près de 109 % et après la dévaluation du Fcfa, ce taux est descendu à 88 % du PIB. Tous les pays membre de l’UEMOA font recours à l’emprunt extérieur pour financer leurs investissements, productifs ou improductifs. Ces investissements ont une corrélation positive avec la croissance, cependant, cette corrélation ne va que jusqu’à un certain seuil. Une fois ce seuil dépassé, l’endettement extérieur devient négatif sur le développement. Avons-nous atteint ce seuil ?

Responsabilité partagée

La responsabilité est partagée entre les débiteurs et les créanciers. Pour faire plaisir à l’électorat, les dirigeants s’endettent pour des réalisations de prestige qui ne contribuent point au développement de leurs pays. Les créanciers facilitent l’accès au crédit pour financer des projets non-rentables. Cette richesse est de toute façon rapatriée dans les métropoles, car leurs entreprises sont les Maitre-d ‘œuvre de ces ouvrages et les bénéfices ne sont pas utilisés pour créer suffisamment d’emplois dans les pays débiteurs. Les prêts des pays riches sont souvent attribués pour des intérêts politiques et personnels plutôt que pour une politique de coopération visant à développer les pays pauvres. Ce fameux plafond de 70 % a été fixé durant la période de la crise de la dette, car le taux d’endettement devenait excessif. Avec l’initiative des pays pauvres très endettés et l’initiative d’allégement de la dette multilatérale, le taux d’endettement des pays membre de l’UEMOA a drastiquement baissé. Si les pays membre peuvent manipuler leur PIB pour diminuer le taux d’endettement, n’est-il pas plus sage de revoir ce seuil maximal de 70 % à la baisse ?

Une décolonisation inachevée

Il faut que le paternalisme colonial arrête. Tant que la colonisation économique, militaire, politique et sociale ne prend pas fin, nous pourrons dire avec certitude que la décolonisation est inachevée. François Mitterrand, ne disait-il pas que « Sans l’Afrique, il n’y aura pas d’histoire de France au 21e siècle ». Nos dirigeants Africains sont des dictateurs envers leur peuple et des servants envers les colonisateurs. Combien de fois avons-nous entendu plus d’un dire que nous sommes un Etat souverain et que les affaires intérieures du pays ne concernent aucunement les autres pays ? Doit-on en rire ou en pleurer ? Pendant ce temps, ces mêmes dirigeants Africains s’impatientent de recevoir l’aide au développement pour combler leurs déficits budgétaires. C’est tellement paradoxal que la souveraineté à l’air plutôt politique qu’autre chose. Il faut une révolution d’idées. L’Afrique a besoin de dirigeants qui ne sont pas complexés face aux colonisateurs, de dirigeants qui croient en leur culture, leur langue et leur couleur. Il est temps de se décomplexer vis-à-vis du blanc et de respecter son peuple. Les dirigeants doivent assurer leur propre sécurité ; si depuis l’indépendance, nous faisons toujours appel à la France pour nos problèmes de sécurité, cela veut dire que nos dirigeants n’ont rien fait en 60 ans à part s’enrichir. Tant qu’il n’y aura pas une révolution d’idées et que nous décidons librement de nos choix politiques, économiques, sécuritaires et démographiques, il ne faut même pas penser au décollage de l’Afrique.

Cheikh Anta Diop disait : « Ainsi l’impérialisme, tel le chasseur de la préhistoire, tue d’abord spirituellement et culturellement l’être, avant de chercher à l’éliminer physiquement. La négation de l’histoire et des réalisations intellectuelles des peuples africains noirs est le meurtre culturel, mental, qui a déjà précédé et préparé le génocide ici et là dans le monde ».

Mohamed Dia, Consultant bancaire

Email: mohamedbaboyedia@gmail.com

Mouhamed Dia

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