Comment peut-on accorder du crédit à la prestation de serment d’un homme qui n’a jamais tenu parole ? (Par Alassane K. KITANE)

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Pourquoi les peuples aiment se faire arnaquer ? Comment peut-on accorder du crédit à la prestation de serment d’un homme qui n’a jamais tenu parole? Comment peut-on banaliser une si grande imposture dans une démocratie? Comment peut-on organiser un si grand faste après avoir organisé une élection de façon si honteuse dans un pays qui a une tradition de transparence jadis saluée par tout le monde ?

Un des artifices le plus répandu du criminel, c’est de toujours mobiliser tout le potentiel qui sommeille en lui pour paraître ingénu et innocent devant ses victimes et autres témoins. Après avoir exilé et emprisonné des adversaires redoutables ; après avoir exilé des électeurs (des amis résidant à Thiès ont été miraculeusement exilés à Touba pour qu’ils ne votent pas) ; après avoir permis (méprisable ségrégation d’un ministre de l’intérieur) à tous ses militants d’avoir leur carte d’électeur ; après avoir frauduleusement invalidé le parrainage de certains opposants et après avoir grossièrement triomphé d’une élection piégée, on cherche à se faire une légitimité en organisant une si grand-messe !

Peine perdue ! Rien ne sauve l’autocrate de la censure morale si ce n’est le repentir politique. Tout ce faste n’ était pas nécessaire, mais il est révélateur d’un état d’esprit : construire artificiellement la grandeur. La grandeur a ceci de fâcheux qu’elle se venge des imposteurs : elle devient toujours plus grande, même quand celui en qui elle s’incarne fait des choses simples;
symétriquement, on devient toujours plus petit lorsque, sans grandeur, on tente de grandes choses. La différence entre le spectacle clownesque et l’évènement héroïque réside dans la légitimité et l’authenticité des actes posés. Les grands hommes ne cherchent pas à entrer dans l’histoire, c’est cette dernière qui cherche à s’incarner dans leurs œuvres pour accomplir sa providence.

Pour un histrion par contre, la chose est bien différente : il s’accroche aux fragiles falaises de la falsification pour instaurer le règne du faux, mais l’histoire finit toujours par les démystifier. On ne peut pas appeler à un consensus après avoir unilatéralement brisé le consensus qui avait cours depuis 1992 et ce, dans le seul but de se faire réélire.

On ne peut pas lâcher les forces de l’ordre pour étouffer toute forme de
manifestation contestataire de l’opposition et la convier si malhonnêtement à une cérémonie d’essence républicaine. On me reprochera de manquer d’esprit républicain et de banaliser la prestation de serment d’un Président nouvellement réélu.

Je répondrais volontiers que quand la république est inféodée à une
oligarchie ou à un clan, ne pas être républicain devient une vertu cardinale pour sauver la république. Macky Sall a pris la responsabilité de rompre un
consensus presque sacré sur le processus électoral, il l’a tout bonnement apprivoisé pour assouvir sa soif de pouvoir, il n’a qu’à assumer seul son choix.

Les hommes de conviction continueront à se battre jusqu’à ce que le peuple comprenne suffisamment la gravité de la torpeur et de la décadence
démocratique dans laquelle on l’a plongé et agisse en conséquence. Notre démocratie doit grandir au lieu de retourner en arrière, nous devons dépasser les enfantillages politiques consistant à créer artificiellement des crises pour ensuite appeler au dialogue afin de débloquer la situation : c’est du cynisme primitif très franchement.

En décidant de retourner à l’ère et aux méthodes de Diouf pour gouverner en 2012, Macky Sall a trahi, et le peuple, et les luttes politiques que nous avons menées depuis des siècles. Ce qu’on attend de lui, ce n’est pas ce dialogue folklorique et cette manie à entretenir une démagogie politique, c’est plutôt la gouvernance normale dans une démocratie normale.

Briser des carrières, instrumentaliser la justice, assujettir les intuitions de financement de la femme et de la jeunesse à es calculs politiciens, faire la promotion sulfureuse de la transhumance dans le seul but de gouverner, corrompre les contre-pouvoirs, c’est avouer qu’on n’est pas républicain. Cette façon sauvage de gouverner ne peut avoir d’autres réponse que la façon sauvage de s’opposer : qu’on ne vienne donc pas, sous le couvert de la société civile, nous faire la morale.

Alassane K KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
Président du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal

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