COVID-19 : « Corona du Gouvernement » ou « Corona du peuple » ? Les Sénégalais ont choisi. La part de responsabilité de la communication ?

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Au 24 juin au Sénégal, 6129 personnes en Sénégal auraient été infectées par COVID-19, dont 93 décès. Des chiffres officiels, qui selon toute vraisemblance, sont largement en deçà de la réalité. C’est à l’image de la gestion globale des informations diffusées et disséminées depuis que la pandémie a touché le Sénégal. Une approche managériale et communicationnelle caractérisée par des positionnements individuels et collectifs contraires aux recommandations de toutes les méthodes de résolution de problèmes (CATWOE, Diagramme d’Ishikawa, CIRCEPT, SCAMPER, Pert, planning Gantt, etc.).

 

De Zorros à Zéros

 

A contrario, sur le plan politico-administratif, on a eu droit à l’émergence d’individualités disposées à jouer le rôle de héros à la Jack Bauer {24 heures chrono), Ethan Hunt (Mission impossible), Olivia Pope {Scandal) pour détrôner Le Terminator (Arnold Schwarzenegger). Les éléments de contexte sont révélateurs du pourquoi.

La Grippe A H1N1 (moins de 2 ans), l’épidémie à virus Ebola (moins de 3 ans), la Grippe espagnole (3 ans) sont passés par là, sans dégâts au Sénégal.  Est-ce pourquoi, lorsque le Sénégal enregistrait son premier cas confirmé du coronavirus, le Ministère sénégalais de la Santé et de l’Action Sociale (MSAS) informait que la situation était sous contrôle ? Pourtant, l’OMS avait déjà déclaré le Risque de pandémie (25 février 2020) et plusieurs pays, notamment l’Espagne (14 mars), France (17 mars), avaient annoncé des mesures de confinement obligatoire. Hypothèse : au Sénégal, d’aucuns n’entrevoyaient-ils pas déjà les bénéfices à tirer du « corona » en termes d’image et ont développé une stratégie du « Moi héros » ? En effet, au moment où ailleurs, les décisions étaient « prises » par des instances scientifiques et expertes multisectorielles et actées par les décideurs politiques, au Sénégal, les « politiques » sont au-devant de la prise de la prise de décision.

La dimension communication entre alors en jeu. Au Sénégal, elle a constitué le maillon faible. Pour plusieurs raisons, liées au choix des acteurs mais aussi à une confusion notoire des concepts Information et Communication. On a semblé passer à côté deux principes : la forme du message l’emporte souvent sur son contenu et la compréhension par la communication moins repose pas seulement sur ce qui est dit, que sur ce qui est fait. Y a-t-il vraiment une volonté politique de faire face ? Les faits semblent répondre par la négative. Morceaux choisis : (i) Abdoulaye Diouf Sarr : « …toutes nos félicitations et encouragements au personnel de santé qui, sur la ligne de front, ne ménage aucun effort pour stopper le coronavirus. Ensemble nous vaincrons » (Birama Thior, Senego, 8 avril 2020).  A la Une de l’As du 20 juin 2020 : « Non-paiements de salaires, mauvaises conditions de travail : Des médecins menacent de quitter les centres de traitement de la COVID-19 » et en bas de page « Dr Aloyse Wally Diouf quitte le front COVID-19 : C’est Diouf Sarr qui m’a demandé de rejoindre mon poste », donc « écorche la lutte » (à la Une de Kritik’, le même jour). Depuis l’annonce de son départ, le Dr Diouf assure chaque matin le point du jour, comme pour dire qu’il est resté jusqu’au bout. Le baroud d’honneur n’y fera rien, il sera retenu qu’il est parti en pleine tempête pour des prairies plus vertes. Là où, après une pétition (plus de 900 signatures) des médecins québéquois ont manifesté (24 mars 2020) pour faire annuler la hausse (+11,2%) prévue de leur rémunération, demandant que ces sommes soient plutôt distribuées aux travailleuses et travailleurs de la santé et pour assurer des services de santé dignes à la population. Et si la France venait solliciter nos médecins comme réservistes (environ 200 000 F CFA / jour[1]) ou même comme médecins titulaires avec à la clé la nationalité et un salaire moyen de plus de 6 500 000 F CFA par mois ? A l’image de ce jeune médecin testé positif au COVID-19, le Dr Aboubacar Gueye, déçu et démotivé. Car « Après 8 longues et laborieuses années d’études médicales » il aurait choisi « par patriotisme [2]», d’aller travailler à Tambacounda (à près de 465 km de la capitale). Mais il est toujours « Sous contrat de prestation avec un salaire précaire au Service d’urgence avec beaucoup de difficultés, y compris un licenciement qui plane constamment au-dessus de (sa tête) ». Une grosse pierre dans la communication du ministère!

Albert Mehrabian nous a appris, dans sa théorie des 3 V[3], que dans une situation de communication, ce qui est vu et perçu (93%) impacte plus que ce qui est dit (7%). Ce que n’a pas semblé comprendre le Directeur du Centre des opérations d’urgence sanitaire (COUS). Interpellé à la radio (Grand Jury, RFM, 12 avr. 2020), sur son aura, le « chouchou des femmes sénégalaises[4] », qu’on voit plus en tenue de ville qu’en blouse, rétorqua qu’il fallait bien plus « qu’on se concentre sur ce qu’il dit ».

Dès le départ, le MRAS a été au-devant du combat. Il n’a plus lâché. Même pour leurs communiqués, les autres ministères semblaient être obligés de « squatter » le pupitre du ministère de la Santé.

En France au contraire, les responsabilités ont vite été situées et les champs d’intervention identifiés. Le 10 mars 2020, des scientifiques ont été rassemblés en urgence en une structure officialisée par un décret du 3 avril 2020, sous le nom « Comité de scientifiques » pour guider les décisions du gouvernement. Nommés par conjointement par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et le Président de la République, ils appartiennent à différents domaines académiques et même associatif. Ils ne doivent entretenir aucun lien d’intérêts avec une entreprise ou un établissement public ou privé, ni antérieurement, ni actuellement. Ils sont bénévoles et leur mission se termine officiellement le 10 juillet 2020. Ce qui signifie qu’ils n’en tireront aucun intérêt si la situation perdure. Le 17 mars 2020, le Président Emmanuel Macron avait simplement acté la quinzaine d’“avis” qu’ils avaient émis. Le président du Comité, Jean-François Delfraissy, fut un des héros du système de riposte français au moment de la crise du virus Ebola en 2014. Ce qui nous rappelle le profil d’un célèbre infectiologue au Sénégal. A-t-il été pour autant placé à la tête d’un Comité scientifique et d’experts au Sénégal ?  Il avait soigné et guéri le seul patient atteint d’Ebola au Sénégal (Terminator ?). Sa voix a donc eu un écho retentissant lorsque dans une sortie dans la presse, le jeudi 23 avril 2020, il estimait « inconcevable que Ziguinchor (ville au sud du Sénégal, ndlr) ne soit pas dotée d’un service de réanimation répondant aux normes[5] ». Malheureusement, ce fut le signal départ d’une brouille avérée ou supposée, entre les autorités MSAS[6] et celui que le site en ligne de France Inter qualifie pourtant de « rempart sénégalais » dans la lutte contre le COVID-19.

Mais quand au début de la pandémie, le Sénégal est cité en exemple par les médias internationaux[7], européens et américains notamment, pour son plan de riposte et un mode de traitement qui fait des résultats satisfaisants, on peut comprendre l’émergence de deux besoins :(i) le besoin de positionnement comme « héros » de la « guerre » et (ii) le besoin de médiatisation. Le fait majeur : les sorties quotidiennes du ministre en charge de la Sante. Il semble évident que cela reposait sur la probabilité de la fin de la crise dans un court délai. Parce qu’il serait inconcevable d’imaginer qu’un ministre soit prêt à tenir le rythme de sorties quotidiennes même une année, au vu de toutes ses responsabilités, dans un ministère aussi stratégique.

 

Guerre ou guerre sanitaire ?

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