«Génocide» des Rohingyas: Aung San Suu Kyi défend la Birmanie devant la CIJ

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L’ancienne icône de la démocratie Aung San Suu Kyi est à La Haye pour défendre la Birmanie à partir de ce mardi 10 décembre devant la Cour internationale de justice (CIJ). Le pays est accusé de « génocide » contre les Rohingyas.

Près d’un million de personnes forcées à l’exil, des accusations de crimes de guerre, viols, tortures, exécutions sommaires… La Birmanie va devoir justifier la répression sanglante exercée par l’armée envers les Rohingyas depuis 2017. Et c’est Aung San Suu Kyi, l’ancienne opposante historique à la junte birmane, qui fait le déplacement à La Haye pour défendre son pays.

Icône des droits de l’homme pendant des années, prix Nobel de la Paix en 1991, elle dirige aujourd’hui le gouvernement civil en Birmanie. Sa décision de se déplacer en personne est jugée incompréhensible par les militants des droits de l’homme, comme Chris Lewa. « Elle n’a jamais utilisé son autorité morale pour essayer d’arrêter la situation et elle continue à nier, dénonce l’activiste, qui travaille depuis 20 ans auprès des Rohingyas avec l’association Arakan Project. Elle a été plutôt silencieuse pendant la partie la plus grave du conflit, mais là, elle a même nié ouvertement les violences qui se sont passées. Pour les activistes, elle essaie de couvrir les militaires pour soi-disant défendre la Birmanie contre les pays, occidentaux ou autres, qui essaieraient de souiller sa réputation. »

La Gambie en première ligne pour défendre cette minorité musulmane persécutée

Au premier rang de ces pays : la Gambie, qui a porté cette affaire devant la Cour internationale de justice. Le gouvernement gambien a saisi l’institution au nom de l’Organisation de la Coopération islamique, qui regroupe 57 pays musulmans. Il accuse la Birmanie d’avoir violé la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et d’avoir cherché à exterminer les Rohingyas en tant que groupe ethnique, sur une base politique et religieuse. De très graves accusations qui s’appuient notamment sur des enquêtes de l’ONU et sur celles d’avocats gambiens, qui ont recueilli plus de 600 témoignages de Rohingyas dans les camps de réfugiés au Bangladesh.

Les victimes « nous ont raconté leurs histoires, expliquait à Reuters le ministre gambien de la Justice, Abubacarr Tambadou, au moment du dépôt de plainte, le 2 décembre dernier. Leur impuissance face à des meurtres de masse, à des tueries de masse, à des viols, à de la torture de masse. Des histoires d’enfants brûlés vifs. Des histoires qui me sont toutes familières. Que j’ai déjà entendues alors que j’étais procureur au Tribunal international pour le Rwanda. J’ai aperçu le génocide à travers toutes ces histoires. J’ai passé une quinzaine d’années à interagir avec les victimes du génocide rwandais de 1994. Et je peux dire que les témoignages recueillis aujourd’hui chez les Rohingyas sont très similaires avec les histoires que j’ai entendues par le passé. Donc je me suis dit que ce n’était pas juste, qu’il fallait faire quelque chose. »

Ce mardi matin, Abubacarr Tambadou a donc mené un réquisitoire accablant à la CIJ, rapporte notre envoyé spécial à La Haye Vincent Souriau. Le ministre gambien de la Justice et son équipe de juristes se sont succédés à la tribune pour évoquer des décennies de suspicion et de haine, couronnées par les violences de masse commises depuis le début des années 2010, et jusqu’à l’exode de 2017. Un système d’oppression, selon les avocats de la Gambie, visant à effacer jusqu’à l’identité des Rohingyas. La Gambie demande donc à la Cour de reconnaître le génocide perpétré par la Birmanie, et de l’obliger à prendre des mesures d’urgence pour y mettre fin.

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