Gestion des inondations: les conclusions de la mission d’information de l’Assemblée nationale

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Comme nous le révélions, un peu plus tôt, ce vendredi, le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, a remis au chef de l’Etat, jeudi, le rapport de la mission d’information de l’institution parlementaire sur le Programme décennal de lutte contre les inondations (Pdli). Dans ce document parcouru par lesoleil.sn, les missionnaires de l’Assemblée nationale ont porté un regard critique sur ce projet adopté, en 2012, à la suite de l’étude d’évaluation des inondations notamment dans la banlieue de Dakar réalisée par la Banque mondiale (Bm).

Au terme de leurs travaux effectués entre le 15 septembre et le 31 octobre 2020, les membres de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le dossier des inondations, dirigée par le député Papa Sagna Mbaye, par ailleurs président de la Commission du développement durable et de la transition écologique, ont produit un document de 344 pages.

7 ministres et 5 DG auditionnés

D’après ledit rapport, au total, 7 ministres et 5 directeurs généraux ont été alors auditionnés. Il s’agit du ministre de l’Eau de et de l’Assainissement (Serigne Mbaye Thiam), du ministre de l’Intérieur (Aly Ngouille Ndiaye), du ministre du Développement communautaire et de l’Equité sociale et territoriale (Mansour Faye), du ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique (Abdou Karim Fofana), du ministre des Finances et du Budget (Abdoulaye Daouda Diallo), du ministre des Collectivités territoriales, du Développement et de l’Aménagement des Territoires (Oumar Gueye) et de celui de l’Environnement et du Développement durable (Abdou Karim Sall).

Le document indique que les directeurs généraux de l’Agence de développement municipal (ADM), de l’Office nationale de l’assainissement du Sénégal (Onas), de l’Agence des travaux et de gestion des routes (Ageroute), de l’Agence d’exécution des travaux d’intérêt public (Agetip), et de l’Agence pour la promotion des investissements et grands travaux (Apix) ont également été auditionnés par les missionnaires de l’Assemblée nationale.

Le Pdli exécuté à 38 %

A l’issu de ces échanges, beaucoup de problématiques ont été soulevées et des recommandations. Ainsi, d’après les députés, le PDLI, évalué à 766 988 450 362 F CFA, a « comptabilisé une dépense totale de 291 338 984 746 fracs CFA, soit un taux de réalisation de 38 % à deux ans de la fin du programme ».

S’agissant, en effet, des inondations de 2020 et en particulier des pluies exceptionnelles des 5 et 6 septembre 2020, les députés, qui se sont référés aux réponses fournies par l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim), soulignent que d’un point de vue scientifique, il serait difficile de conclure qu’il s’agissait d’une catastrophe naturelle qui serait causée par un changement climatique même s’ils trouvent ces précipitations « excédentaires ». «On pourrait estimer que le Sénégal est en train de quitter une période de sécheresse de 30 ans et entre dans une période humide », lit-on dans ce document.

Alors, qu’est-ce qui pourrait donc être à l’origine de ces inondations ? D’après les conclusions des missionnaires de l’Assemblée nationale, plusieurs sites inondés résultent, aujourd’hui, d’une occupation des zones inondables par les populations. « Certaines régions n’ont pas connu des inondations, mais les fortes précipitations ont eu des effets néfastes liés aux effondrements des cases en banco, de pistes et routes coupées et ou endommagées, de périmètres agricoles envahis par les eaux et beaucoup de dégâts liés aux foudres», a fait remarquer le rapport.

L’essentiel des réalisations du Pdli concentrées à Dakar

Les membres de la mission d’information de l’Assemblée nationale ont fait constater, dans leurs conclusions, que « l’essentiel des réalisations du Programme décennal de lutte contre les inondations sont concentrées à Dakar ». Il a également été noté que le volet restructuration urbaine et relogement a été très faiblement exécuté dans le Pdli par rapport aux prévisions initiales pointant ainsi, un « problème de gestion et d’entretien » des ouvrages d’assainissement construits dans le cadre ou non de ce programme.

« Les 10 forages construits par le Pdli dans la zone de Thiaroye et financé par l’Uemoa pour un montant de 6,5 milliards francs CFA ont permis d’abaisser le niveau de la nappe phréatique et ont permis soulager les populations et d’éradiquer les inondations. Mais ils ne sont pas utilisés aujourd’hui. L’évolution institutionnelle notée depuis la mise en place du programme n’a pas permis à la mission d’avoir un interlocuteur dédié et une centralisation des données . La communication sur le PDLI et son appropriation par les populations ont fait défaut », détaille ledit rapport remis au chef de l’Etat, Macky Sall.

Une matrice d’actions prioritaires de 1,8 à 2 milliards FCFA par an

«Chaque année, une matrice d’actions prioritaires est élaborée dont le budget varie entre 1,8 et 2 milliards par an. C’est un processus multi-acteurs et multi-secteurs qui rend la coordination très difficile », ajoute la mission d’information de l’Assemblée nationale qui dit avoir constaté «une faible implication des collectivités territoriales dans l’exécution des plans Orsec et de la matrice d’actions prioritaires ».

Par ailleurs, les députés font savoir que l’assainissement ne semble pas être érigé en priorité dans le cadre des projets de lotissements et dans la procédure de mise à disposition de parcelles aux populations (cas de Keur Massar) et même dans les programmes de relogement (Jaxaay, Tawfex) ou de construction de nouvelle ville comme Diamnadio.

Outre les problèmes de coordination de la gestion des ouvrages d’assainissement autour de l’Office nationale de l’assainissement (Onas), les missionnaires parlementaires ont constaté « la faible représentation des services déconcentrés ». « Il faut toutefois noter que partout où il y a eu la réalisation d’ouvrages du Pdli, on a noté un soulagement des populations », constate le rapport.

En dehors du Pdli, des ouvrages, exemplaires de réussite, ont été réalisés par d’autres acteurs dans le cadre d’autres projets », lit-on dans ce document, qui cite notamment les ouvrages au niveau de Nioro du Rip et de Dalifort.

Recommandations

La mission d’information de l’Assemblée nationale a, dans son rapport remis au président de la République, Macky Sall, émis une dizaine de recommandations. En effet, pour ces parlementaires, « le Sénégal, dans une logique d’anticipation, devrait renforcer les capacités de prévision de l’Anacim en la dotant d’équipements (radar et calculatrice de grande puissance) pour réduire les marges d’erreurs en matière de prévisions à même de détecter les occurrences de telles pluviométries excédentaires ».

L’équipe pense, dans la foulée, que les alertes de cette agence devraient donner lieu à des réponses plus appropriées par les autorités compétentes, notamment en direction des populations des zones sensibles.

Aussi, est-il relevé dans le rapport, que l’actualisation du Pdli s’impose. Ce, tenant compte de la période humide actuelle que connaît le Sénégal et l’identification de 401 sites endémiques répartis sur le territoire national.

«Il devra impliquer les collectivités territoriales et tous les acteurs associés et tenir compte des spécificités des zones », note, notamment, la mission parlementaire qui recommande « fortement » d’harmoniser une appellation uniforme du Pdli.

Demandant, ainsi, l’allégement des procédures de lotissement et encourageant la planification de l’urbanisation, ces députés pensent aussi qu’il devient «urgent » de réfléchir et de concevoir un type d’habitat adapté en zone rurale. Les cases en banco ont souffert des fortes pluies et de la foudre, entre autres recommandations.

La mission était composée d’un groupe de 15 députés dont 10 issus du groupe de la majorité Benno bokk yakaar (BBY), 3 du groupe de l’opposition Liberté et démocratie et 2 du groupe des Non-inscrits.

Le Soleil

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