La décolonisation en Afrique : Verre à moitié vide ou à moitié plein ? (Par Mouhamed Dia)

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Malgré que tous les pays africains soient indépendants, le paternalisme colonial est toujours d’actualité. Cependant, il faut noter que dans ce paternalisme colonial, les puissances coloniales ont le dessus sur les pays colonisés. Cela est dû à l’aide publique et à la présence de ces puissances dans les pays des états colonisés. La décolonisation est certes un processus qui prend du temps, mais néanmoins ne prend pas plus de 50 ans. La plupart des pays africains ont eu leur indépendance au moins depuis 50 ans et malgré cela, nous assistons toujours à une décolonisation inachevée ou plutôt à une peur de grandir. Nous célébrons avec fierté nos fêtes d’indépendance, mais peut-on parler d’indépendance quand il y a une domination sur les plans politiques, économiques, sociales que culturelles des anciennes puissances coloniales sur nos états ?

L’anéantissement de l’AfriqueLes puissances coloniales se sont partagé l’Afrique autour d’une table ronde et ce découpage a eu plusieurs problèmes et est en partie la raison pour laquelle les états africains peinent à se développer. Jadis, les communautés africaines vivaient en parfaite cohésion, mais avec le découpage et la création de frontières, nous assisterons à des peuples ennemis qui vivent ensemble, c’est du « diviser pour mieux régner ». C’est ainsi qu’on verra des conflits ethniques prendre place dans plusieurs pays africains avec la complicité des puissances coloniales comme ça a été le cas au Rwanda avec le génocide. Il faut aussi noter le premier grand génocide qui a été perpétré par les Allemands au 20e siècle contre les Hereros, une tribu de l’actuelle Namibie causant la mort de plus de 80 % de sa population. Des millions de morts au Congo Belge sous le roi Léopold II pour l’extraction du caoutchouc. L’armée américaine a causé la mort d’un million de personnes durant l’insurrection des Philippines. Après le découpage territorial, les puissances mondiales en ont profité pour mieux exploiter la traite transatlantique. Sachant que pour se développer il faut créer des industries, les puissances mondiales ont exactement fait cela et pour développer le secteur secondaire, il fallait des matières premières, et c’est ainsi que l’accaparement des ressources naturelles commença jusqu’à nos jours. Nos terres seront confisquées par les pays colonisateurs et les entreprises colonisatrices deviennent responsables de l’exploitation de nos matières premières et nous appauvrissent. Non seulement, ils ont confisqué nos terres, mais en plus, nous travaillons pour eux dans l’exploitation des matières premières avec des salaires de misère. Une fois les matières premières exploitées, elles ne sont pas transformées en Afrique pour la création d’emplois, mais elles seront plutôt acheminées vers les métropoles pour la transformation. Dans nos propres pays, nous pensons qu’il est très normal que nous occupions les postes administratifs, tel ne fut pas le cas, il y avait beaucoup de discrimination dans l’administration et pire, nous africains, ne pouvions pas cohabiter avec les blancs, il y avait les quartiers des blancs, plus tard appelés résidentiels et les quartiers d’indigènes, c’est-à-dire nous africains. Après les conséquences politiques, économiques et sociales, la conséquence culturelle vit le jour avec l’éducation comme outil manipulateur et d’assimilation. Ils nous ont enseigné leur histoire, leur religion et leurs valeurs. À nos jours, la culture des colonisateurs est adoptée dans la majorité pour ne pas dire dans la totalité des pays africains. Maintenant que l’Afrique est appauvrie et qu’il faudrait des siècles pour se relever, ils nous ont amené des indicateurs économiques propres à leur réalité. C’est ainsi que le PIB et l’IDH sont utilisés pour mesurer la richesse et le bien-être de chaque pays dans le monde. Est-il juste de comparer les plus belles maisons après que les puissances coloniales aient brûlé nos belles maisons ?
Les Colonisateurs 

En tant que deuxième continent le plus grand du monde après l’Asie, avec ses richesses, on peut affirmer que l’Afrique pourrait être le continent le plus riche en ressources de la planète. Cependant, riche ne rime pas forcément avec prospère. Combien de ces ressources naturelles conservons-nous en Afrique ? Bien que les pays africains subsahariens aient reçu plus de 150 milliards de dollars en prêts et aides, ils ont perdu 203 milliards de dollars en raison de l’évasion fiscale des multinationales, du remboursement de leur dette et de l’extraction de ressources naturelles, créant un déficit de plus de 40 milliards de dollars. En 2016, le FMI a indiqué que l’Afrique affichait le PIB par habitant le plus faible sur tous les continents pour un montant de 1 809 dollars. En 2015, l’Afrique subsaharienne a exporté plus de 232 milliards de dollars de minéraux et de pétrole vers le reste du monde. La richesse minière potentielle de l’Afrique du sud-est estimée à environ 2,5 billions de dollars. Les réserves inexploitées de la République démocratique du Congo ont été évaluées à 24 milliards de dollars. L’Afrique n’est pas démunie, mais elle est désunie. 

Les Colonisés 

Certes, la traite négrière et la colonisation nous ont retardés, mais le fait est que nous devons être en mesure de nous développer, car d’autres nations qui ont subi les mêmes sorts ont su se développer. À titre d’exemple, prenons l’exemple du Portugal et du Brésil. Le colonisé est en meilleure posture économique que le colonisateur donc il est temps que nous regardons de l’avant pour développer notre continent. Regardons-nous en face du miroir, il y a beaucoup de problèmes en Afrique qui sont dus aux dirigeants que nous avons et non à la colonisation. Le manque de courage ou le complexe d’infériorité face aux colonisateurs est le premier frein à notre développement. Nous pourrons ainsi citer la mauvaise gouvernance, l’inégalité dans la répartition des richesses, la corruption, le monopole du pouvoir, le clientélisme électoral comme certains problèmes internes dont seulement nous avons les remèdes. « Un peuple conscient ne saurait confier la défense de sa patrie à un groupe d’hommes quelles que soient leurs compétences. Les peuples conscients assument eux-mêmes la défense de leur patrie » nous disait Sankara. 


Ils nous ont appris comment manger le poisson au lieu de nous apprendre à le pêcher 

Si l’Afrique veut se développer, il faut que les dirigeants africains soient non seulement courageux de couper le cordon ombilical nous liant aux puissances coloniales, mais aussi de mettre en place des modèles économiques adaptés à nos réalités socioéconomiques. Il faudrait impérativement rompre avec la mauvaise gouvernance, l’inégalité dans la répartition des richesses, la corruption et le monopole du pouvoir.Il faut  impérativement renforcer le commerce intra-africain. En 2015, l’Afrique affichait le niveau le plus faible de commerce inter régional, à 18 % pendant que l’Europe était à presque 70 % et l’Asie à 50 %. Nous faisons comme si nous nations africaines n’ont rien à échanger entre nous alors que c’est l’inverse qui est vrai. L’Afrique doit s’opposer à l’exploitation de ses ressources par des puissances étrangères, s’ouvrir à des programmes de développement plus favorables avec les alliés d’autres pays et d’autres continents et raffermir les opportunités d’importation et d’exportation vers l’Afrique, depuis l’Afrique.

Nous devons commencer à nous concentrer sur la transformation économique, en déplaçant les travailleurs des secteurs à faible productivité tels que l’agriculture vers des secteurs à plus forte productivité tels que l’industrie et le secteur des services. L’Afrique a besoin d’une stabilité macroéconomique, à l’accès au financement pour développer le secteur privé et surtout pouvoir gérer nos ressources naturelles. Le gouvernement doit répondre aux besoins de la population, il doit lutter contre la corruption et la gestion des budgets publics. Sur le plan financier, il doit éviter une surévaluation monétaire, ce qui est encore notre cas avec la plupart des pays africains ne disposant pas de leur propre monnaie. Il faut aussi intensifier l’agriculture pour augmenter les rendements en transformant notre agriculture. Le secteur primaire est un secteur très important en Afrique, donc il est impératif de développer le secteur agricole pour pouvoir disposer d’assez matières premières pour l’exportation et aussi pour la transformation. Nous devons aussi diversifier le secteur de la manufacture et les secteurs à haute productivité. Notre part sur les marchés mondiaux de ces produits est presque inexistante avec moins de 1 %. D’ici, 2050, les villes d’Afrique subsaharienne augmenteront de près de 800 millions d’habitants.

Cela étant dit, il est primordial de développer les autres villes et de créer de nouvelles villes pour désengorger les capitales. Il faudrait créer des villes plus compactes et connectées pour créer une urbanisation plus productive et propre. Le développement ne pourra pas arriver sans industrialisation. Bien que l’industrialisation ne se fasse pas automatiquement, il est important pour que l’Afrique s’appuie sur ses secteurs dominant comme le secteur agricole en Afrique de l’Ouest, notamment le Sénégal. Cela se fera en développant le secteur primaire d’abord, mais aussi en accédant aux nouvelles technologies. N’oublions pas que l’agriculture reste le principal employeur en Afrique subsaharienne avec près de 60 % des travailleurs adultes. L’agglomération industrielle doit être exploitée en développant de manière sérieuse et rigoureuse des corridors de transport et de logistique. Nous pouvons nous inspirer des dragons de l’Asie du Sud-est en imitant leur modèle de développement tout en l’adaptant à nos réalités socioéconomiques.

Enfin

Personne ne développera l’Afrique si ce ne sont les Africains nous-mêmes. Il est temps que nous prenions notre destin en main et que nous nous passions de cette aide qui n’est que synonyme de dictature de la part des puissances qui nous les octroient. Il faut aussi mettre en place des politiques de développement adéquat à nos réalités. Nous ne sommes pas obligés de copier l’Occident. Nous pouvons développer nos pays avec nos réalités, mais pour cela, il faut des hommes intègres qui n’ont pas soif de pouvoir. L’Afrique retrouvera-t-elle un jour ses dignes fils d’antan comme Thomas Sankara, Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba, Cheikh Anta Diop, Modibo Keita ?

Mohamed Dia, Consultant bancaire

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