Les pas laids au Palais (Par Cheikhou Gaye)

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Selon le boutiquier de notre quartier, si le pas est l’action de mettre un pied devant l’autre pour marcher, il faudrait par souci de bon sens que cela se fasse dans la bonne direction, une direction qu’il souhaiterait voir nimbée de beau, d’exemplarité et de morale dans la norme sociale qui est nôtre. Au Palais il n’en est hélas pas ainsi quand c’est une chemise à carreaux qui se fait recevoir en audience avant qu’un chapeau jaune n’y décolle pour voltiger et demander que l’on brûle tout élément dit ase, en ignorant, inculte devant l’Eternel, que les ases telles l’amylase, la lactase, la lipase, la protéase, et tant d’autres enzymes, accroissent la réaction bio chimique.

Tout en haut du plateau qui domine la capitale, se dresse, impressionnant et grave, le Palais. On ne peut tourner la tête dans sa direction sans le voir et il rappelle, à tout un chacun, la puissance que son locataire exerce sur le mental du peuple. Les plus faibles, ils sont légion, tremblent. La plupart des esprits les plus résolus fléchissent devant le symbole du potentat et parmi eux, le plus grand nombre des opprimés se consolent du traitement infligé en adorant ceux qui leur parlent de Dieu en cachant leur sentiment luciférien. Beaucoup font tout ce qu’il est possible pour éviter de lever les yeux sur ce joyau architectural, à tel point qu’ils en oublient le plus souvent de regarder les beautés du ciel changeant du bleu au gris, du clair au sombre ou du pur à l’orageux.

Si grand était son désir de massification qu’il fallut au Parti se faire violence pour envisager que la chemise fut portée par l’un de ses mandataires du Nord pour un temps. Combien de temps, les responsables ne le savaient point encore, mais ils sentaient bien que leurs responsabilités leur pesaient, et, sans se l’avouer clairement, ils éprouvèrent une certaine douceur à imaginer que ce mandataire voudrait bien demeurer loyal malgré les signes avant-coureurs d’une probable défection en oubliant que dans la jungle, certains animaux s’unissent par sympathie. Pour notre cher boutiquier, l’appât du gain qui taraudait l’esprit de ce fameux mandataire était tel qu’il s’en serait remis au pire démon sans s’apercevoir un instant du danger de la vindicte populaire qu’il pourrait subir, son forfait accompli.

Après que son regard eût fait le tour de sa pièce misérablement meublée, empoussiérée, encrassée même, assurément, le mandataire vivait la précarité de ses revenus, n’ayant pas grand-chose pour améliorer son confort, et de plus, il ne semblait avoir personne pour manier ni le chiffon ni le balai afin d’y créer un minimum de salubrité. Ce qui pouvait compter pour le futur renégat, c’était qu’on lui parlât d’argent, de voiture, de maison. Ainsi était-il aveuglé par l’avidité jusqu’à se reposer tout entier sur les adeptes de Machiavel dont les manœuvres pour se maintenir au pouvoir et les promesses mirobolantes qu’ils tenaient ne pouvaient que le combler.

 

Quant au chapeau jaune, il lui fallait une tête de chimpanzé pour mieux ressortir sa teinte dorée. Il en trouva une qui avait perdu la moitié de ses incisives et dont les balourdises étaient devenues monnaies courantes. Un ami Président que l’on aide à s’entourer de nervis qui sont aussi gros bras que les lutteurs, une sœur ancienne ministre de deux présidents mais devenue aphone à cause d’une sucette placée sur la langue et des relations dans le monde interlope des affairistes équivoques donnent à ce primate le courage d’insulter qui il veut pour faire plaisir au Prince. Son attitude narcissique et suffisante le pousse à l’extase vers une tendance à privilégier son groupe social et à en faire le seul modèle de référence, quitte à incinérer ceux des minorités qui osent manifester leur désapprobation devant la pensée unique. Ravaler ses vomissures ne fera jamais de lui un homo sapiens.

Tout s’éclaire. Avec l’aide de son clan, le Lion qui dort a fait main basse sur la ville, sur la campagne et la forêt, sur le Royaume tout entier. Son ambition, sa soif du pouvoir, son orgueil, tout concoure à mettre ses semblables sous son joug. Comment eût-on pu lutter contre celui qui détient les fils qu’il tire impunément avec tant de roublardises et qui nous blablate ironiquement : « Rouspétez marionnettes ! Les potions cabalistiques de mes marabouts continueront de vous anesthésier par l’eau de vos robinets ! Parlez d’un scandale et vous aurez deux semaines pour l’oublier ! Un faux pas, et vous retrouvez les maux prêts à fondre sur vos pauvres carcasses de suppliciés ! Ma Garde Prétorienne veille au grain ! Il me faudra certainement vous le répéter 2024 fois ! » ?

Au demeurant, notre cher ami boutiquier rassure en rappelant que le « Grand Soir » est le concept qui exprime l’espoir d’un bouleversement soudain et radical de l’ordre social existant et que seule une lutte acharnée, opiniâtre, effroyable, inexpiable et homérique fera sortir vainqueur pour y accéder.

Cheikhou Gaye

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