Mines de fer de la Falémé : tapis rouges aux multinationales étrangères

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L’octroi des mines de fer de la Falémé à Tosyali défraie la chronique en ces temps qui courent. La sortie récente, à travers une pétition, de 11 candidats à la présidentielle de 2019 montre à quel point la question est importante et mérite qu’on s’y penche.

L’Etat du Sénégal devait signer une convention avec la société turque Tosyali pour lui donner carte blanche quant à l’exploitation des mines de la Falémé. Mais la sortie récente de 11 candidats dont Pierre Goudiaby Atépa et Mamadou Lamine Diallo, s’insurgeant contre une telle décision, semble avoir fait effet même si la ministre Aissatou Sophie Gladima explique ce report par un agenda du président Macky Sall très chargé et l’absence du représentant du géant Tosyali. En effet, Goudiaby et amis s’insurgent contre ce qu’ils qualifient de bradage à quelques mois de l’élection. Pire encore, le gré à gré qui aurait dicté le choix de la multinationale turque à qui les mines de la Falémé sont cédées sans appel d’offres est décrié avec la dernière énergie. Des arguments solides à première vue mais que la ministre des mines et de la géologie bat en brèche non sans arguments.

Pourquoi l’Etat persiste et signe
Aux allégations des pourfendeurs d’un tel contrat, la ministre en charge des mines répond par des arguments qui font apparaître la décision irrévocable de signer ledit partenariat. Sur les ondes de la Rfm, la ministre bat littéralement le fer quand il fait chaud puisqu’elle affirme que le report n’est en rien lié à la pétition des candidats dont elle se demande où ils étaient avant que Tosyali ne s’engage à exploiter la zone de Falémé.

A l’en croire, les nationaux qui donnent de la voix n’ont jamais exprimé leurs desseins d’exploiter la zone en question depuis le départ d’Arcélor Mittal. C’est difficile de ne pas être en phase avec elle puisque l’exploitation de l’or et du phosphate est confiée à des firmes étrangères. La question qui vaille d’être posée c’est de savoir s’il y a des entreprises nationales capables de rivaliser avec les multinationales. A priori, aucun Sénégalais n’est en mesure d’amener un complexe sidérurgique assez fort pour l’exploitation des mines de la Falémé tout comme d’ailleurs cela a été le cas avec l’or de Sabadola.

La disqualification des nationaux s’explique donc par le fait qu’ils ne sont pas assez outillés pour exploiter les zones désignées. Mais cela suffit-il pour expliquer la préférence turque dans l’absence totale d’appels d’offres. La ministre Aissatou Sophie Gladima n’a pas totalement réfuté la thèse de gré à gré que les détracteurs du régime brandissent. En revanche, elle révèle que l’exploitation des mines ne concerne pas que la seule zone de la Falémé et que des discussions sont en cours avec d’autres entreprises pour les 2/3 de la surface à exploiter. Ceci, dans le but d’éviter tout monopole de la firme turque dans le domaine des mines comme c’est le cas en Algérie.

Malgré les tirs groupés de l’opposition qui crie au bradage, l’Etat persiste dans son projet et signera incessamment le contrat avec Tosyalli. La décision semble irrévocable même si ladite opposition appelle les autorités à ne pas franchir le Rubicon. Dès lors qu’il y a la fibre nationaliste et patriotique qui sous-tend leurs actes, il devient primordial de se demander si l’Etat ne devrait pas surseoir à signer le contrat pour convaincre non seulement l’opposition mais aussi la population qui a un droit de regard sur ce qui se passe avec son sous-sol. Comme avec les ressources du pétrole et du gaz, une concertation à grande échelle devrait avoir lieu en amont pour éviter toute ambigüité dans le futur.

En vérité, l’entêtement des autorités est dicté par la volonté de solidifier les relations avec le peuple turc. Parce que tout simplement, après avoir relevé le niveau des échanges commerciaux à 250 millions en 2017, le président Erdogan a décidé lors de sa visite au Sénégal en Mars 2018 de porter les échanges à 400 milliards. L’octroi à Tosyali des mines de la Falémé entre donc dans cette logique puisque les accords de partenariat entre les gouvernements sénégalais et turcs portent principalement sur les hydrocarbures, l’énergie et les mines.
Eviter le monopole de la multinationale Tosyali et penser aux populations locales.
La multinationale turque n’est pas à sa première conquête dans le continent africain. Un cas d’école nous parvient depuis l’Algérie. Le gouvernement sénégalais ne doit pas seulement signer le contrat avec les turcs pour après les laisser faire comme bon leur semble. Le code minier doit être revu et amélioré pour espérer tirer le maximum de profits avec Tosyali et les autres firmes qui s’engageraient à exploiter nos ressources. Ce qu’il faut faire c’est d’éviter la même situation que l’or de Sabadola avec des populations autochtones plus paupérisées qu’avant l’exploitation de leur sous-sol. Dans un autre registre, les avantages fiscaux à en tirer sont énormes et doivent pouvoir servir à corriger les désagréments causés aux populations locales.

En Algérie où Tosyali règne en maître dans le domaine des mines, le monopole de la firme va souvent à l’encontre des intérêts de l’Etat. Parce que l’entreprise turque, n’ayant aucun rival qui puisse lui tenir tête, s’adonne à des pratiques dignes d’un usurier. La production d’acier et de rond à béton par Tosyali, implantée depuis 2008, ne semble pas convaincre les populations qui font souvent grincer les dents. Selon le site Algériepart, la compagnie a réalisé en Algérie un bénéfice de 350 millions de dollars en deux ans avec une production annuelle de 700 milles tonnes de fer.

Comme la ministre sénégalaise des mines et de la géologie l’a signalé, l’octroi à d’autres firmes des deux autres zones à exploiter atténuerait à coup sûr tout comportement vicieux de la part de l’une ou l’autre compagnie. Si l’exploitation du fer de la Falémé est bien encadrée, les entreprises locales intervenant dans le domaine de la sidérurgie pourraient en tirer d’énormes profits avec un coût moindre comparé à celui de l’importation du fer et de ses dérivés. Il faut à tout prix éviter la quasi-anarchie constatée avec l’implantation de l’hypermarché Auchan et de l’exploitation de l’or de Sabadola et du zircon. L’Etat y a intérêt pour éviter de donner raison aux onze candidats qui crient au scandale et qui parlent de bradage !
Par Ababacar GAYE
ababacarguaye@yahoo.fr

Mise en ligne par Abdou Aziz Sall

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