Piratages : Obama prend des sanctions contre la Russie

0

Le président Barack Obama a annoncé jeudi une série de mesures contre la Russie après son ingérence dans l’élection présidentielle américaine, déclarant notamment «persona non grata» 35 membres des services de renseignement russes.

Barack Obama l’avait promis avant de s’envoler pour des vacances à Hawaï. Ebranlant la torpeur d’une veille de réveillon, la Maison Blanche a annoncé le 29 décembre une série de sanctions contre la Russie, suite aux piratages durant la campagne présidentielle. Cette réponse à plusieurs niveaux, contre une cyber-attaque attribuée à une puissance étrangère, est sans précédent. «Tous les Américains devraient s’inquiéter des actions de la Russie», selon le communiqué.

Trente-cinq diplomates russes, considérés comme des agents de renseignement par Washington, ont été déclarés «persona non grata» par le département d’Etat et ont 72 heures pour quitter le territoire. Un décret datant d’avril 2015 a été complété: il élargit le pouvoir présidentiel pour répondre aux cyber-attaques qui visent à «interférer ou affaiblir le processus électoral». Neuf entités russes font l’objet de sanctions : les agences de renseignement GRU et FSB, leurs chefs, et trois sociétés (le Centre Special Technologies de Saint-Pétersbourg, Zor Security/Esage Lab et «l’Organisation professionnelle autonome et non-commerciale des designers de systèmes de traitement de l’information» qui procureraient un «soutien matériel»). Igor Valentinovich Korobov, le chef de l’agence de renseignement militaire GRU, est personnellement visé, ainsi que trois de ses adjoints. Certaines sanctions comme l’interdiction d’entrée sur le territoire ou le gel des actifs aux Etats-Unis, seront surtout symboliques. Le département du Trésor a aussi identifié deux ressortissants russes cyber-criminels responsables de détournements de fonds et d’usurpations d’identité.

Du jamais vu depuis depuis la fin de la Guerre froide

Les accès à deux installations «récréatives» appartenant à l’Etat russe dans le Maryland et à New York ont été bloqués: elles auraient servi à des activités de renseignement. A Pioneer Point (Maryland), la résidence de campagne de l’ambassade russe, qui s’étend sur 18 hectares au bord de la rivière Chester, était une adresse connue des médias et de Google map. Ancienne datcha de l’ambassadeur, la propriété a été achetée par l’URSS en 1972. La résidence de Long Island (New York), 5.5 hectares, a été acquise en 1954. Le Kremlin nie toute interférence et a dénoncé des sanctions «sans fondement» et«illégales». Des réponses «adéquates» sont attendues.

«Cette volonté de sévères représailles n’a pas été observée depuis la fin de la Guerre froide», explique Robert H. Legvold, professeur de sciences politiques à l’université de Columbia (New York), auteur du livre Return to Cold War (Polity Press, 2016). En mars 2001, George W. Bush avait expulsé 51 diplomates russes en réponse à une affaire d’espionnage au sein du FBI. «Le sabotage politique n’est pas nouveau, les deux camps en font usage, poursuit Rober Legvold. Ce qui est différent ici, c’est le recours au cyber-espionnage. En rendant publiques les informations du parti démocrate via Wikileaks pour influencer l’élection américaine, une ligne a été franchie. Ces sanctions sont également une réponse à la frustration accrue côté américain face au harcèlement intensif de ses diplomates de la part des autorités russes. L’Amérique signale à la Chine et à d’autres adversaires que ce type de piratage a des conséquences sévères. Ce sera intéressant d’observer les réactions de l’Allemagne et d’autre pays européens, qui sont aussi concernés par ces cyber-attaques. C’est maintenant un enjeu international».

«Exploiter les vulnérabilités de la Russie»

Le département de la Sécurité intérieure et le FBI ont également publié un rapport sommaire intitulé «Grizzly Steppe» sur les techniques de cyber-attaques utilisées dans le cadre de la campagne présidentielle, à l’été 2015 et au printemps 2016, ainsi qu’une liste des groupes de hackers opérationnels en Russie. Deux groupes surnommés APT28 et APT29, liés aux agences russes d’espionnage selon Washington, se sont servis d’une technique de «spear phishing», soit l’envoi massif d’emails malveillants qui invitent les récipiendaires à révéler leur mot de passe, permettant ensuite le recel de l’intégralité du contenu des boîtes mails, dont celle de John Podesta, le président de la campagne d’Hillary Clinton. Un rapport plus détaillé sera envoyé au Congrès dans les prochaines semaines.

«Nous observons le versant public de la réaction américaine, mais je pense que d’autres activités en ligne sont menées en secret, afin de montrer les capacités américaines d’exploiter les vulnérabilités de la Russie, continue Robert Legvold. «L’administration sortante cherche à renforcer la diplomatie existante et rendre la tâche difficile à Donald Trump s’il souhaite revenir sur les politiques américaines et européennes envers la Russie.» Le président élu ne soutient pas ces nouvelles sanctions et veut rencontrer prochainement les responsables de la communauté du renseignement. «Il est temps pour notre pays d’aller de l’avant», a déclaré Donald Trump.

Pour sa part, en réponse aux sanction américaines, Moscou a décidé d’expulser 35 diplomates américains, a annoncé vendredi le chef de la diplomatie russe. «Le ministère des Affaires étrangères a proposé au président russe de déclarer persona non grata 31 diplomates de l’ambassade des Etats-Unis à Moscou et quatre diplomates du Consulat général américain à Saint-Pétersbourg», a indiqué Sergueï Lavrov, lors d’une intervention télévisée. Il a également proposé d’interdire aux diplomates américains d’utiliser une maison de campagne dans la banlieue de Moscou et un bâtiment leur servant de dépôt dans la capitale. «La réciprocité est la règle de la diplomatie dans les relations internationales, a encore le ministre des Affaires étrangères russe. Nous ne pouvons bien évidemment laisser de telles attaques sans réponse».

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici