Refus d’extrader le dictateur : Jammeh est-il l’arme de chantage de Nguema contre la France ?

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Contre toute attente, le président de la Guinée équatoriale a affiché, ce vendredi à la télévision nationale, son refus (jusqu’à quand ?) d’extrader Yahya Jammeh. Cela, au lendemain de la visite effectuée à Malabo par Alpha Condé, président en exercice de l’Union africaine et encarté « ami » de l’ex-homme fort de Banjul.

Pourtant, il n’y a guerre longtemps, en marge d’un sommet de l’Union africaine, le chef de la diplomatie gambienne M. Darboe a échangé avec le ministre des Affaires étrangères équato-guinéen au sujet de cette extradition. A l’époque, Malabo avait nuancé sa position en se montrant disposé à ouvrir des pourparlers dans ce sens.

Nous devons à la vérité de souligner que si Banjul insiste pour obtenir la peau de Jammeh, c’est, en partie, parce que ce dernier, en quittant le pouvoir, avait laissé à son successeur une milice, pour ne pas dire une armée d’opérette. Le président Adama Barrow, qui craint, à juste raison, un retournement de situation de la part de ces hommes imprévisibles, compte, depuis son accession au pouvoir, sur les éléments de l’armée sénégalaise qui assurent sa sécurité et celle du peuple gambien. C’est ainsi que des sources de Dakar Actu rapportent que des éléments de l’armée gambienne sont depuis quelque temps en formation au Sénégal pour, une fois de retour au pays, combler le vide créé par l’ex-locataire du palais présidentiel.

En réalité, Teodoro Obiang Nguema, le « doyen » des chefs d’Etat africains, témoin du sort de Hissène Habré, doit être conscient qu’il ne peut protéger le très blacklisté Jammeh ad vitam aeternam. Le Trésor américain est aux trousses de l’ancien président de la République gambienne pour « viols à grande échelle » portant sur 50 millions de dollars, en plus d’atteintes répétées aux droits de l’homme liées à des crimes de sang. Autres exemples :  l’assassinat en 2005 du journaliste Dayda Aïdara alors que celui-ci dirigeait le journal Le Point, la torture et l’assassinat en détention de Solo Sendeng en 2016. La liste est loin d’être exhaustive et elle a mis en marche un rouleau compresseur irrésistible.

Tout porte à croire que M. Obiang Nguema, qui fait face à une situation intérieure tendue, avec le coup d’Etat avorté qui a failli emporter son régime tout dernièrement, veut utiliser Yahya Jammeh pour réchauffer ses relations avec la France qui poursuit son fils Teodorin Obiang pour une sombre affaire de blanchiment d’argent. « Le coup d’Etat est parti de la France, car le financement ayant permis de recruter les terroristes venait de la France », a déclaré le président équato-guinéen sur les ondes de RFI en décembre. Abordant la question de l’extradition de Yahya Jammeh dans le même entretien, le chef de l’Etat de Guinée équatoriale a promis « d‘étudier la question ». Ce qui peut être perçu comme un double-jeu sur fond de chantage.

Ce que le chef de l’Etat équato-guinéen n’a pas dit : c’est que le départ pour l’exil de Yahya Jammeh, qui était à l’époque sous la menace d’une intervention des forces de la CEDEAO retardée par le souci de préserver la sous-région d’un énième conflit, coïncidait avec un contexte d’agitation post-électorale. En droit, on ne pouvait pas engager, séance tenante, des poursuites contre ce Néron des temps modernes qui bénéficiait encore de la présomption d’innocence accordée à Auguste.

En définitive, Yahya Jammeh est dans un navire qui prend l’eau de toutes parts. Puisque les Etats n’ont pas d’amis, il sera extradé dès que les vents et les variations de la fortune l’exigeront du président Obiang Nguema.

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