SOULEYMANE BACHIR DIAGNE : “L’ÉCOLE AFRICAINE DOIT ÊTRE UN ESPACE PLURILINGUE’’

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Les écoles africaines doivent devenir “un espace plurilingue” fonctionnant sur la base d’une “vraie politique linguistique” qui consisterait à renforcer la maîtrise du français et à introduire les langues africaines dans l’enseignement pour en faire des langues de savoirs et de créations, préconise le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne.

“L’école doit être un espace plurilingue qui doit faire l’objet d’une vraie politique linguistique. Il faut renforcer le français, car sa maîtrise a faibli dans les écoles africaines”, avance-t-il dans un entretien publié sur le site Internet du magazine Jeune Afrique. “Dans le même temps, il est crucial d’introduire les langues africaines dans l’enseignement. Celles-ci doivent devenir des langues de savoirs et de créations dans lesquelles les écrivains écrivent”, a dit M. Diagne, professeur de français à l’université de Columbia (New York). Il dit militer pour que l’on puisse écrire la philosophie par exemple et d’autres disciplines en langues africaines, donnant en exemple l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop, qui s’est inscrit dans cette perspective depuis quelques années. “Pendant de nombreuses années, argumente Souleymane Bachir Diagne, la francophonie a été perçue comme une défense frileuse de la langue française contre l’hégémonie de l’anglais. Aujourd’hui, le maître mot pour la définir est le pluralisme linguistique”, lequel doit se caractériser “par la reconnaissance de l’existence de plusieurs langues dans l’espace francophone”, qui “méritent d’être considérées et renforcées.” “Le français, l’anglais et le portugais sont des langues d’Afrique, à côté des langues africaines”, cela fait que “la cohabitation des langues est naturelle en Afrique. Sur le continent, il est rare de trouver un africain qui ne parle pas plusieurs langues. Donc, le français n’a d’avenir en Afrique francophone que si il reconnaît les langues locales, et fonctionne avec elles”, soutient le philosophe sénégalais. De même se dit-il favorable à “à une transgression de la langue française académique”, le français état “une langue vivante” et “est par nature appelée à subir des transformations et des formes d’hybridations”.  Il signale qu’en Côte d’ivoire par exemple, “s’est développé « un français ivoirien » qui a sa saveur et son sel. Beaucoup d’artistes et écrivains ivoiriens” jouant “de ces transformations pour s’exprimer”. “Néanmoins, souligne-t-il, cela va au-delà d’introduire de simple mots dans la langue française”, comme au Sénégal, où “pour nommer une station à essence, on disait « essencerie »”.  “Ce mot n’existant pas dans la langue française, Léopold Sédar Senghor l’a fait adopter par l’Académie française quand il y siégeait !”, a-t-il rappelé. “Les Africains ont inventé dans la littérature francophone leur propre manière de jouer avec la langue, en s’installant entre deux langues. À travers leurs écrits, ils parlent leurs langues maternelles à l’intérieur du français”, fait valoir le philosophe, citant le cas de l’écrivain Ahmadou Kourouma, “sans doute le meilleur” à travers son livre “Le Soleil des indépendances”. Kourouma “a réussi dans ses écrits à faire sentir la présence de la langue Malinké – langue Mandingue – dans le français. Le style de Soni Labou Tansi œuvre aussi dans ce sens. Il y a une sorte de jubilation avec la langue française, qui est permise par le fait que les francophones se situent le plus souvent entre deux langues”, indique Souleymane Bachir Diagne.

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