Succession De Macky : Forces et faiblesses des probables héritiers

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Interdiction de discuter de la succession avant la fin de son mandat. Dissolution des mouvements de soutien. Arrêt des subventions aux structures… Tout y passe. Mais, rien n’y fait. La succession du chef est, de plus en plus, évoquée. Zoom sur les noms qui aimantent le plus les passions apéristes.C’est à la mode. Des groupes WhatsApp, il s’en crée toutes les secondes. La sphère politique n’échappe pas à la règle. Interdits d’épiloguer, en public, sur la succession de leur leader, en tout cas, avant la fin de son mandat, les camarades du Président qui entame son second et – théoriquement – dernier mandat, se retranchent dans ces espaces fermés pour discuter, en privé et en relative sécurité, de ce que sera le futur de leur parti quand le Président Sall aura épuisé ses cartouches. D’ores et déjà, des noms y circulent. Focus sur les atouts et limites de ces prétendants à l’héritage dont les identités circulent sous le manteau.

Abdoulaye Daouda DIALLO

Il est ce que l’on pourrait appeler le pionnier. Un des rares membres de l’actuel attelage gouvernemental à avoir compagnonné avec Macky Sall quand ce dernier était devenu infréquentable, le maire de Bocké Dialloubé (nord du pays) avait tout lâché – ou sacrifié – pour tenter l’aventure de l’opposition. Secrétaire général de l’Ipres quand Macky se faisait débarquer du perchoir de l’Assemblée nationale, Diallo n’a pas hésité un seul instant à prendre la carte de l’Apr et contribuer à l’implantation de ses bases dans le nord. Naturellement, le bâton de Wade ne tarde pas à s’abattre sur sa tête. Réduit au rang de simple agent des Impôts et domaines, il est confiné dans un réduit sous une cage d’escalier où il subit, de la part de ses supérieurs dont un certain Amadou Bâ, Directeur général des Impôts et domaines, misères, brimades et humiliations. Elu à la magistrature suprême, c’est tout naturellement que Macky Sall fait appel à lui pour occuper le poste de ministre délégué au Budget. Son ascension dans le gouvernement ne surprend guère les connaisseurs de cette relation tissée dans l’épreuve.Recevant des apéristes de Podor, alors que la guerre des tendances fait rage dans la formation marron-beige au niveau du département, le Président de l’Apr lui tresse des lauriers qui font pâlir de jalousie ses adversaires au sein du parti. «Ablaye (Abdoulaye Daouda Diallo, Ndlr), c’est mon Ablaye. Qu’il pleuve, vente ou neige, je sais que je peux compter sur sa fidélité», déclare- t-il à la Salle des banquets. Mais, cela suffit-il à en faire un successeur dans un parti où ses camarades ne vont pas lui faciliter la tâche ? Non.

D’une discrétion qui frise la timidité, il est décrit par beaucoup de ses camarades de parti comme quelqu’un qui «manque d’ambition », distant et lent à l’allumage, notamment dans la prise de décision. Son leadership a été fortement bousculé par un venu de la 25ème heure, Cheikh Oumar Anne. Il a fallu toute l’autorité de Macky Sall pour que l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur accepte de fumer le calumet de la paix avec lui. Qu’en sera-t-il quand le chef sera fragilisé par l’approche de la fin du mandat où son autorité va, inexorablement, s’étioler ? De l’autre côté, il lui est reproché un manque de volonté dans la promotion des cadres de son patelin. Hormis quelques modestes postes de sous-préfets ou d’adjoints au sous-préfet, résultat de son passage au ministère de l’Intérieur, c’est le grand désert. Ce qui fait de lui un géant aux pieds d’argile qui, au moment d’évaluer ses forces, ne pourra pas compter sur grand monde.

AlyNgouille NDIAYE

Maire de Linguère depuis 2014, ville où il a détrôné un baron du régime défait, le ministre d’Etat Habib Sy, l’actuel ministre de l’Intérieur est crédité d’une base fidèle qui lui obéit au doigt et à l’oeil et avec laquelle il entretient une relation fusionnelle. Son passage à la banque lui a permis de se constituer un solide budget de guerre avec lequel il a conçu un réseau de mutuelles de crédit et d’épargne, une radio communautaire et d’autres instruments de promotion qui l’ont rapproché du bas peuple. S’y ajoute un franc-parler qui détonne et une proximité avec les médias qui fait qu’il ne rechigne pas les interviews, contrairement à une vieille habitude des ministres de l’Intérieur. Ce qui lui a, d’ailleurs, valu quelques ennuis quand, sur la 2s, il a fait part de sa volonté de faire en sorte que ses militants s’inscrivent massivement pour réélire son candidat. Toute vérité n’étant pas bonne à dire, sa sortie donna des munitions à une opposition foncièrement convaincue qu’une élection propre ne peut se tenir avec un ministre de l’Intérieur politique et, de surcroit, responsable du parti au pouvoir. Cette franchise faillit lui ôter des plumes et fut perçue comme un défaut dans le monde feutré et hypocrite de la politique où il vaut mieux avancer masqué, dire le contraire de ce que l’on pense si on est habité par une ambition de carrière.Autre défaut qui pourrait s’inscrire à son passif, le fait que, quoique membre de Macky2012, Ndiaye n’en demeure pas moins qu’un rallié dont le mouvement de soutien ne s’est fondu dans l’Apr qu’à la faveur de l’élection de son chef.

Amadou BA

Haut-fonctionnaire du cadre des Impôts et domaines, Amadou Bâ a blanchi sous le harnais des régies financières. Une carrière qui lui a permis de tisser un solide réseau de relations dans le monde de la finance, de l’associatif, du sport, du business et une bonne entrée dans les familles maraboutiques. Il est crédité d’une fortune colossale et de solides relais dans la sphère médiatique et dans le spectre économique où beaucoup de patrons rouleraient pour lui. Mais, également, une certaine proximité avec la Première Dame avec laquelle, il a mené, tambour battant et au pas de charge, campagne à Dakar pour la réélection de son époux. Tache noire pour l’ex-argentier de l’Etat, ils ne sont pas nombreux, hors de Dakar, à pouvoir mettre un nom sur son visage.

Mahammed Boun Abdallah DIONNE

Entre lui et le président de la République, les relations dépassent le simple cadre professionnel pour déborder sur le terrain familial. Pour paraphraser Idrissa Seck, il n’y a pas place pour du papier à cigarette. Informaticien, ancien cadre de la Bceao, Dionne est un fidèle parmi les fidèles de Macky Sall dont il fut directeur de cabinet à la Primature et à l’Assemblée nationale, exécute, à la lettre, les ordres. Ce, sans reproche ni murmure. Bouclier utile, il a eu à jouer le rôle de paratonnerre pour le président de la République dans nombre de crises. Fidèle, discret et prêt aller au casse-pipe pour protéger son ami, l’ancien Premier ministre n’en traine pas moins certaines faiblesses dont le manque de charisme et une santé réputée fragile. Il revient d’ailleurs de Paris où il a séjourné, pour des raisons médicales, depuis le lendemain de la Présidentielle.

Mohamadou Makhtar CISSE

Il jouit d’une respectable carte de visite. Ancien pensionnaire du Prytanée militaire, il a fait ses classes à l’Ena d’où il est sorti comme inspecteur des douanes. Inspecteur général d’Etat et membre du cercle des intimes du président de la République avec qui il lui arrive de partager les repas, il a été, depuis l’élection de ce dernier, tour à tour, directeur général des douanes, ministre du Budget, Directeur de cabinet du président de la République avant d’être promu Directeur général de la Senelec où son passage est toujours chanté. Inspecteur général d’Etat, il a régulièrement démenti être intéressé par une ambition présidentielle. Sauf qu’il ne manque pas de Sénégalais pour douter de ce serment. Au cas où il changerait d’avis, il lui faudra se départir de ce vernis techno, sortir des frontières de la capitale et de son Dagana natal pour se forger une popularité hors des zones urbaines.

Aminata TOURE

C’est la seule femme du bataillon des successeurs potentiels. Mimi est une historique de l’Apr qui a plafonné dans l’exécutif avec sa nomination comme Premier ministre. Pour avoir été à l’avant-garde du combat pour la récupération des biens mal acquis, elle s’est forgée une réputation de dure à cuire. Nommée cheffe du gouvernement, elle se fixe pour objectif d’«accélérer la cadence ». Un slogan qui lui vaut une danse dédiée par l’humoriste Samba Sine alias Kouthia. Au 9ème étage du Building, elle affronte les dures réalités de la politique. Ses contempteurs lui reprochent d’avoir un agenda caché et de nourrir l’ambition de ravir le fauteuil du chef. Sa défaite aux locales sera du pain béni pour se défaire de cette forte tête qui, malgré tout, a purgé sa «peine» avec sa nomination comme Envoyée spéciale auprès du président de la République puis Présidente du Cese.Un obstacle sociologique se dresse sur son chemin : les Sénégalais ne sont pas encore prêts à élire une femme.

Alioune Badara CISSE

Lui, c’est le rebelle du groupe. Membre fondateur de l’Apr, il partage, avec Abdoulaye Daouda Diallo, une inoxydable légitimité dans ce parti. Numéro deux, de facto, ses relations avec Macky Sall se détériorent au lendemain de sa défénestration du ministère des Affaires étrangères. Il pousse la distance jusqu’à porter la robe pour défendre Karim Wade dans son procès devant la Crei. Les médiateurs de l’ombre réussissent à rabibocher les positions. Nommé Médiateur de la République, certainement pour le dompter, ABC n’en garde pas pour autant la langue dans la bouche. Une attitude anti-conformiste dans l’histoire des médiateurs. Même s’il ne le dit pas, pour des raisons statutaires, c’est avec un intérêt certain qu’il observe la guerre larvée de succession. Si l’envie le démange, il pourra s’appuyer sur un réseau fortement implanté dans la diaspora : les «Abécédaires».Limites à l’ascension du Maître : son statut de Médiateur qui le met, pour un temps encore, hors du champ de la politique. Nommé en 2015, pour un mandat non renouvelable de six ans, il retrouvera la plénitude de ses «droits» civiques en 2021. Aura-t-il suffisamment de temps pour tisser sa toile ?

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