Thomas Sankara et Blaise Compaoré: je t’aime… moi non plus (Par Mouhamed Dia)

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On dit souvent que celui qui vit par les armes périra par les armes. Bien que nous soyons en accord avec cette citation, nous pensons qu’elle est incomplète. Si en usant des armes, on démet des dictateurs afin de libérer son peuple, cela ne devrait pas mener à périr par les armes. Capitaine Sankara qui n’a été à la tête du pays des hommes intègres que pendant quatre ans, est en effet un des panafricanistes les plus respectés et les plus célèbres. Cela pousse à rappeler aux leaders africains qu’il ne s’agit point de quantité, mais plutôt de qualité. « Vivre en révolutionnaire, mourir en révolutionnaire. » Thomas Sankara

Je t’aime…

C’était la grande sécheresse et tous les pays de la sous-région ont ressenti cela ; c’était le mauvais moment pour n’importe quel dirigeant, car économiquement, rien ne marchait. Tous les pays affectés par cette grande sècheresse ont une monoculture arachidière et ils ont tous vu une baisse drastique de leur production arachidière et agricole en général. C’est ainsi que le premier président de la Haute-Volta est démis de ses fonctions suite à un coup d’état militaire. Le nouveau président a forcé le capitaine Sankara à faire partie de son gouvernement pour garder un œil sur ce capitaine tant aimé par la population que par le corps militaire. Le capitaine Sankara n’a pas voulu intégrer ce nouveau gouvernement, mais il n’avait pas trop le choix, c’est ainsi qu’il devient ministre de l’Information. Il ne se donne que six mois avant de démissionner du gouvernement. C’est son discours brûlant devant les hôtes du président qui fera de lui un prisonnier. Il sera aussi déchu de son grade de capitaine et sera plus tard libéré et mis en résidence surveillée. Un autre putsch voit le jour, ce putsch par contre n’est revendiqué par personne de manière officielle. C’est ainsi que Sankara et Blaise Compaoré, son ami de longue date, ayant même partagé la même chambre durant leur séjour au Maroc, demandent au médecin militaire, Jean-Baptiste Ouédraogo de prendre les commandes. Il deviendra président et nomme Sankara, Premier ministre. Un Premier ministre omniprésent et qui décide de presque tout. Le 4 août 1983, à la veille de la fête de l’indépendance, un coup d’état militaire est en train d’être préparé, avec à la tête des opérations, Blaise Compaoré. Pendant ce moment, Sankara et le président en fonction qui négociaient sont parvenus à un accord et Sankara alerte Blaise Compaoré pour qu’il annule l’assaut. Ce dernier refuse catégoriquement et la Haute-Volta assiste à son troisième coup d’état en trois ans. Sankara était le cerveau et Blaise avait mené l’opération. Naturellement, Blaise Compaoré croyait qu’il devait devenir président, vu qu’il ait refusé d’annuler l’assaut à la demande de Sankara. Vu la popularité de Sankara au sein de l’armée, Blaise a laissé passer pour éviter de se faire tuer. Cela a laissé un gout amer et Blaise Compaoré le confirmera quatre ans plus tard.

Après quatre ans de reformes, le président Sankara dit se sentir mal compris et mal aimé, surtout par le grand frère de la Côte d’Ivoire et l’ami du Mali entre autres. Les lundis et jeudi étaient réservés au sport de masse où tout le monde se mettait au sport. Conséquemment, le président Sankara était habillé d’un pantalon rouge et d’un T-shirt blanc. Deux couleurs qui représentent le sang et la paix. C’est comme cela que le président était en réunion avec ses collaborateurs. Durant la réunion, des voix d’assaillants ont été entendus demandant à tout le monde de sortir. Le président Sankara comprend et demande à ses collaborateurs de rester, car c’est de lui dont ils avaient besoin. Les assaillants vont tuer le président Sankara ainsi que tous ses collaborateurs, ses gardes rapprochés et son chauffeur, au total treize personnes sont assassinées. Pendant ce temps, l’épouse du président Sankara, Mariam Sankara, est au bureau et ne se doute de rien. Plus tard le même jour, elle apprendra à la radio que son mari est démis de ses fonctions de président, mais elle n’est toujours pas au courant que ce dernier a été assassiné. Elle prend ses enfants et s’en alla à l’ambassade du Ghana pour prendre refuge, à cause des rapports entre le Burkina Faso et le Ghana. Ce n’est que le lendemain qu’elle apprendra que son mari avait été lâchement assassiné. Pire, ce n’est que trois jours après la déclaration signée par Blaise Compaoré et diffusée à la radio, qu’il apparaît à la télévision pour dire que Sankara était un camarade, mais qu’il avait fait une erreur.

Moi non plus

Président du 15 octobre 1987 au 31 octobre 2014, Blaise Compaoré a dû quitter face à un soulèvement populaire. Comment se fait-il que Blaise Compaoré puisse rester au pouvoir pendant 27 ans alors qu’avant d’accéder au pouvoir, son pays a connu 4 coups d’état en 7 ans ? En Afrique pour rester au pouvoir aussi longtemps que vous voulez, il faut être un « Oui, Monsieur » envers les grandes nations. Blaise Compaoré a su comprendre cela, et pire, il a accepté cela et l’a bien appliqué pendant 27 ans.

Prenons quelques exemples. Durant la crise en Guinée, Blaise était le médiateur, donc aux yeux de l’Afrique, c’est un grand homme. Ce qu’on ne vous a pas dit, c’est sa discussion avec l’Américain Johnnie Carson, qui s’occupait des affaires africaines durant cette époque. Carson dit à Blaise qu’il doit prendre l’affaire en main et de convaincre le Maroc d’offrir à Dadis Camara un refuge. Il a aussi dit à Compaoré de persuader la Guinée de permettre un contingent de plus ou moins 40 homme politiques et militaires de la CEDEAO de venir en Guinée pour observer la situation. Carson ne s’arrête pas là-bas, il dira même que Compaoré doit s’assurer que le nouveau gouvernement soit un gouvernement élargi qui inclut des hommes de régions et d’ethnies différentes ainsi que des civils. Nos dirigeants africains, si sévères avec leur peuple, agissent comme des marionnettes avec les Occidentaux.

En 2009, pendant que le 13e sommet de l’union Africaine se tenait à Syrte en Libye, Compaoré a décidé de boycotter le sommet. L’Ambassadeur Français au Burkina Faso, ayant entendu que Compaoré hésitait s’il devait s’y rendre ou pas, lui a dit que la France espère que tu n’y ailles pas. Pourquoi Compaoré est-il réticent envers la vision de Kadhafi sur sa vision des Etats Unis d’Afrique ? Pourquoi Compaoré, qui dans le passé voyait Kadhafi comme leader lui tient tête ? Avant cela, il faut noter que Compaoré s’est rendu en Israël pour renouer ses relations avec l’Israël durant leur 60e anniversaire, malgré le fait que Kadhafi lui ait écrit pour lui demander de ne pas y aller. Compaoré répond indirectement et lui dit que le Burkina Faso est un pays souverain. Comment peut-on être une nation souveraine face à un frère de continent et une nation soumise face à la France ou aux Etats Unis ? La visite en Israël en effet a été faite par Compaoré pour se rapprocher des Etats Unis. Il voulait une invitation de la part du président des Etats Unis pour un rapprochement et réchauffement diplomatique.

On dit souvent que le pouvoir rend fou, Compaoré le savait. Il ne faisait rien qui puisse déplaire aux Occidentaux, car il voulait s’accrocher au pouvoir jusqu’à sa mort. C’est ainsi que Dadis Camara, après avoir reçu une balle dans la tête, est allé se soigner au Burkina Faso sur l’ordre des Etats Unis et de la France. Plus récemment en Côte d’Ivoire, durant les troubles, Compaoré a permis la formation d’une milice qui est allée renverser Gbagbo. Bien que nous n’ayons pas des documents confirmant que la France ait officiellement demandé à Compaoré de permettre cela, nous savons tous que Gbagbo dérangeait la France, car il voulait unir l’Afrique et voulait aussi la création d’une monnaie unique. Quand la milice avançait en Côte d’Ivoire de manière illégale, aucun pays occidental n’a dénoncé cela, car Gbagbo était en disgrâce avec l’Occident et surtout la France. Pourquoi donc Compaoré a-t-il été demi ? Compaoré avait oublié une citation de son « ami » le président Sankara : « Une jeunesse mobilisée est dangereuse, une jeunesse mobilisée est une puissance qui effraye même les bombes atomiques. »

« Je n’y pense pas. Ça peut arriver. Mais je préfère ne pas y penser. Je me dis que coup d’Etat ou pas coup d’état, la solution résidera dans la capacité des masses à nous protéger. Bien sur quelqu’un peut sortir de la foule et tirer sur le président voilà, il est mort. C’est une chose qui peut arriver à tout moment. Le plus important c’est qu’à tout moment aussi le peuple ait besoin de chacun de nous. Parce-que nous faisons un travail utile. Nous ne marquons pas des buts à tous moment, mais nous sommes tous utiles dans l’équipe », président Thomas Sankara

Mohamed Dia

Email: mohamedbaboyedia@gmail.com


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