TRANSPORT EN COMMUN : La face cachée des messages sur les voitures

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Les voitures de transport en commun font partie du décor de Dakar. Qu’il s’agisse de «carapid», «Ndiaga Ndiaye», «Tata», bus, camion ou  «clando», il y a toujours un message écrit plus ou moins obscur que le propriétaire essaie de faire passer. A Dakar d’ailleurs, tout se passe comme si c’est le sport favori de certains  propriétaires de véhicules. Au juste, quel est le sens de ces messages ?
En tout cas, une chose est sûre, c’est que les propriétaires de ces voitures, veulent parfois exprimer des remerciements, leurs appartenances religieuses, confrériques, ou même des messages d’amour.

Pour en savoir un plus sur ces discours, votre serviteur s’est glissé dans la peau d’un chauffeur pour immersion  dans le monde du business roulant qui peut rapporter jusqu’à plus 50.000 F par jour. Médina rue 23, avenue Malick Sy. Un grand terrain contigü à  la Polyclinique de Dakar, abrite un grand garage mécanique où l’on trouve aussi des décorateurs de véhicules. Ces artistes décorent tous les types de véhicules : des transports en commun,m aux particuliers. Ici, c’est le bruit des mécaniciens et l’odeur de la peinture qui accueillent le visiteur. Le sable est devenu presque noir du fait de l’huile noire.

des voitures qui se déverse à tout moment sur le sol. L’endroit se situe en face de la Grande mosquée de Dakar. Les chauffeurs défilent toute la journée dans ce garage pour décorer leur voiture et surtout, ils cherchent à  le singulariser avec des messages qui frappent les esprits.  Et pour ce faire, ils ne lésinent pas sur la somme à débourser.
SE SINGULARISER A TOUT PRIX !
La palette des couleurs de peintures trouvée sur place dépasse l’arc-en-ciel.  Le plus cocasse, c’est que  pour écrire un message sur un véhicule, il n’est pas nécessaire d’avoir un niveau soutenu en
français.

C’est la raison pour laquelle, il est fréquent que des fautes d’orthographe se glissent dans ces messages, plus par ignorance que par envie de tordre le coup à la conjugaison, à la  syntaxe ou à la grammaire.
L’ESSENTIEL EST DANS LE FOND
Chez ces décorateurs, l’essentiel n’est pas dans la forme, mais dans le fond. En clair, pour eux, le plus utile est que  le message passe et quelle que soit la langue utilisée.
A notre arrivée, nous  tombons sur un groupe de jeunes qui s’adonnent aux
tâches de décorateur. Parmi eux, un jeune de taille moyenne, souriant et arborant un T-shirt violet qui a fini par perdre sa couleur originale du fait des nombreuses tâches de peintures, nous accueille. D’un commerce facile, ce jeune nous explique la face cachée de ces nombreux messages qui décorent les voitures de transport en commun et parfois de  certains particuliers.

LES «CARAPIDES», TOUJOURS IMITÉS, MAIS JAMAIS ÉGALÉS
Les véhicules se singularisent le plus avec des messages écrits sur les portières, devant comme derrière. Les « cars rapides » font partie des véhicules,m les plus décorés.  A les observer de près, on se rend compte que ces
messages peuvent avoir une connotation religieuse,
sentimentale, ou même drôle. Tout cela dépend de
l’humeur de la
personne qui l’amène pour la décoration.
Cette dernière qui peut être soit le
propriétaire de la voiture, ou le chauffeur laisse parler ses envies.

Kalidou Diallo, un jeune à la trentaine sonnée, exerce
ce métier de décorateur de voitures depuis dix-neuf
ans dans ce
garage.
Il confie qu’il a été initié par son défunt oncle qui lui a
enseigné les
rudiments de ce métier. 
Il explique que la décoration parfois peut être
spécifique pour une zone donnée.
A titre illustratif, notre interlocuteur souligne que  les
cars rapides qui roulent  à
Saint-Louis sont peints uniquement en rouge, alors
que ceux  de Kédougou arborent le vert.  Tandis que
ceux qui roulent à Dakar ont
plusieurs couleurs avec le jaune, le blanc et le bleu qui
prédominent.
«Pour peindre ces voitures et y laisser un  message, il
faut un travail

préalable. Il faut que la voiture passe d’abord en
carrosserie; c’est
après que   nous intervenons», explique Kalidou, le
jeune décorateur
trouvé sous un taxi en train d’écrire un message.
Les écrits concernent
toute la voiture.  Sur les deux portières, il est
mentionné les initiales : RTYE (Regroupement des
Transporteurs de Yoff
et Environs).
Ce regroupement existait depuis que la région  Dakar
s’appelait Cap-Vert. Tous les transporteurs de la
région  y étaient
regroupés.
Mais, il peut arriver que le propriétaire d’un véhicule,
demande que l’on mentionne ses propres initiales et
son adresse sur
les deux portières.

Ces mentions s’ajoutent à celles obligatoires sur
toutes les voitures. Il s’agit de l’adresse et du numéro
de la licence. Ces données permettent  de localiser le
véhicule en
cas de problème. 
MESSAGES CONFRERIQUES
Les messages à caractère religieux sont nombreux au
fronton des véhicules.
Souvent les messages qui reviennent le plus sont :
«Sope Nabi» «Communauté Musulmane», associés
à une  autre pensée en rapport avec la confrérie du
propriétaire.  Comme, par exemple : «Talibé Bamba»,
«Touba» ou «Beugueu Fallou» pour les mourides.
S’agissant des
tidianes le plus souvent c’est : «Talibé Cheikh», «Sope
Serigne Babacar Sy», «Tivaouane».
Tandis que  pour les chrétiens, c’est  «Jésus le
sauveur» ou «Marie  notre mère», etc.

C’est dire donc que les signes qui sont
utilisés pour le décor sont parfois inspirés de la culture
sénégalaise.
Sur beaucoup de cars rapides,  on peut retrouver la
tête
d’un cheval qui renvoie le plus souvent à Maalaw (le
cheval de Lat
Dior) pour faire passer le message de persévérance,
les aigles aussi
pour montrer la puissance de cet oiseau sur les autres.
La décoration des cars rapides, c’est aussi bien
l’extérieur et l’intérieur. Ainsi, le toit en passant par la
devanture, l’intérieur le derrière du car tout est décoré
par des
messages typiques et des dessins.

«Le travail dure maximum deux
jours du fait des nombreuses couleurs et symboles qui
composent le
décor», explique toujours le jeune Kalidou.
C’est ce qui fait que les prix
de la main d’œuvre pour les cars rapides sont les plus
élevés par
rapport aux autres véhicules de transport.
En effet, pour les cars
rapides, ils varient entre 25 mille et 50 mille francs
pour  une décoration
complète.
Il faut embellir toutes les parties du car, à savoir les
côtés, les
portes, le toit du véhicule.
«Si le propriétaire  veut une décoration
simple, il y aura juste  l’adresse indiquée de la voiture et
la tête
de cheval. Il y a une autre décoration moyenne qui est
faite de peu de

dessins  et une autre où c’est toute la voiture qui est
prise en
compte avec des dessins et des messages écrits»,
renseigne notre interlocuteur.
Mais pour les autres
voitures de transport  comme les Mercedes Benz 
appelées communément
Ndiaga Ndiaye, le travail concerne l’écriture de
l’adresse, un message
personnalisé derrière, le drapeau du Sénégal sur les
côtés de  la
voiture et le logo de la marque «Mercedes».
Avec les Ndiaga Ndiaye, le coût de la main d’œuvre
varie entre 12.000 et
20.000 francs du fait de la simplicité de la décoration.
Pour les taxis, c’est encore beaucoup plus simple
parce que l’écriture

ne concerne que le numéro de la licence sur les
portières et le message
personnalisé derrière.
Les taxis doivent respecter les couleurs
prescrites: le jaune et le noir.
Le  travail dure environ une dizaine
de minutes. Les taxis dakarois ont toujours un
message
personnalisé derrière.
Le coût de la décoration d’un taxi est faible, entre
3.000 francs et 5000 francs. Et si
le propriétaire veut une grande décoration avec
beaucoup de messages,
il peut débourser jusqu’à 20.000 francs maximum.
Les bus de transport interurbain appelés «Tata» sont
également friands de décoration. Toutefois, il faut
juste écrire l’adresse qui est le plus souvent

relative à une association ou un Groupement d’intérêt
économique (GIE). 
Le plus souvent  les bus «Tata» ont plusieurs
actionnaires.  Les «Tata» payent le même prix que les
cars Ndiaga
Ndiaye parce que c’est le même travail.  Les deux
côtés qui
sont décorés avec des messages,  plus le drapeau du
Sénégal et aussi
derrière de la  voiture.
A la question de savoir le nombre de voitures  qu’il
peut peindre
par jour le  jeune décorateur répond : «On peut
travailler 2 à 3
voitures par semaine, mais au temps où il y avait trop
de cars on
pouvait travaillait 3 à 5 cars par jour.»
DES FAUTES A LA PELLE

Concernant les fautes sur les messages, le décorateur,
explique que l’erreur est partagée entre le décorateur
qui
ne sait pas écrire  correctement la langue de Molière
et le propriétaire qui ne savait pas comment écrire son
propos.
«Si le décorateur ne comprend pas bien le français et
que le propriétaire qui vient avec son message  mal
rédigé,
une faute peut être commise», se justifie Kalidou. 
LES PARTICULIERS DANS LA SAUCE !
Mais, le décor avec
les messages, ne concerne pas seulement les
transports en commun, les
voitures  de particuliers ne sont pas en reste. Le plus
souvent c’est
pendant les périodes de fêtes religieuses comme le

Gamou ou le Magal. Par exemple, un disciple pour
montrer son amour à son guide peut venir demander
qu’il soit mentionné le nom de ce dernier. Et pour cela
le
propriétaire de la voiture devra au moins casquer
5.000 francs ou
plus confie le sieur Diallo.
DU SENS DES MESSAGES
Bien malin celui qui peut dire exactement le sens
d’un tel ou tel message. Ainsi, des fois pour mettre de
l’ambiance et créer la
polémique les propriétaires  demandent affichent  des
messages tels que «Souba amoul pass » ou bien «le
retour de l’enfant…» pour créer
l’ambiance dans le car.
Des fois les déclarations d’amour peuvent être visibles
sur ces
véhicules. En effet, pour montrer au reste du monde
l’amour envers sa

Gamou ou le Magal. Par exemple, un disciple pour
montrer son amour à son guide peut venir demander
qu’il soit mentionné le nom de ce dernier. Et pour cela
le
propriétaire de la voiture devra au moins casquer
5.000 francs ou
plus confie le sieur Diallo.
DU SENS DES MESSAGES
Bien malin celui qui peut dire exactement le sens
d’un tel ou tel message. Ainsi, des fois pour mettre de
l’ambiance et créer la
polémique les propriétaires  demandent affichent  des
messages tels que «Souba amoul pass » ou bien «le
retour de l’enfant…» pour créer
l’ambiance dans le car.
Des fois les déclarations d’amour peuvent être visibles
sur ces
véhicules. En effet, pour montrer au reste du monde
l’amour envers sa

femme ou même sa copine, le chauffeur peut exiger
des mentions du genre : «Chéri…».
«Si la femme
voit un jour son nom mentionné sur la voiture de son
mari ou de son
conjoint l’effet de surprise marchera», nous explique le
décorateur.
Pour ce dernier, on peut exprimer son amour même sur
sa  voiture.
«Si deux personnes sont
ensemble, et qu’avant leur mariage l’homme n’avait
pas de voiture et
après le mariage l’homme en  obtient une, en guise de
reconnaissance
pour sa conjointe de  lui avoir porté bonheur, il peut
demander l’écriture du  nom de sa femme sur la
voiture », explique M. Diallo.
«Parfois, le pire peut survenir entre les conjoints
comme le divorce ou
le décès de la femme. A ce moment quand le
propriétaire veut changer

le message,  il amène le véhicule et le message est
changé sans
problème», informe le décorateur.
Ajoutant que  c’est aussi identique pour
les parents. L’amour parental est exprimé sous toutes
les langues : «Ma
beugeu sama yaye» (j’aime ma mère)  ou « Sante
samay
Niarry wadiour» (je remercie mes deux parents).
«Les messages comme les versets du Coran ou de la
Bible on
s’abstient de les écrire en bas de la voiture par respect
à la
sainteté de ces paroles divines», indique  le jeune
Diallo.
A la question de savoir le temps que peuvent durer ces

écritures,  notre interlocuteur nous répond, qu’elles peuvent durer cinq ans  ou plus si la voiture connaît un bon entretien.  Des fois, la chaleur ou  le temps peut avoir
un impact sur les véhicules.
AMBIANCE CARNAVALESQUE
Les décors et les messages sur les véhicules de transport en commun épousent l’air du temps. Ainsi, à chaque évènement les voitures épousent la décoration qui sied pour faire du marketing. Ce qui donne aux
rues de Dakar une ambiance de carnaval.
«Par exemple,  au mois de décembre, il faut
harmoniser la décoration des transports au goût des fêtes de fins d’année. Il faut ajouter des  guirlandes et des jeux de lumière au décor», explique Kalidou.

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