Un verdict pour un scrutin (par Mame Less Camara)

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Le rejet par le juge des principales exceptions soulevées par la défense ouvre la voie au jugement du maire de Dakar. Le procès de Khalifa Sall rallonge d’ores et déjà la liste des affaires politiques soumises au verdict du tribunal. Mamadou Dia (1963), Cheikh Anta Diop (1978), Abdoulaye Wade (1988), Idrissa Seck (2004) ont tous subi l’épreuve de la confrontation  judiciaire avec la puissance publique et, en dernière instance, avec le président de la République en place.

Le caractère politique de ces procès a chaque fois été nié par le groupe au pouvoir qui n’y voit que délits de droit commun.Les faits reprochés à Khalifa Sall, selon un des avocats de l’Etat, auraient tout aussi bien pu être jugés comme un vulgaire larcin. A l’inverse, avec la même régularité, la presse et l’opinion ont partagé majoritairement la conviction qu’il ne s’agissait de rien d’autre que de solutions judiciaires à des problèmes politiques. Le constat est que les mis en cause, sans exception, sont toujours des opposants capables de «bousculer» le pouvoir.

L’autre constante est que jamais un adversaire n’est sorti victorieux d’une confrontation judiciaire avec le pouvoir.  Mauvaise nouvelle donc pour les partisans de Khalifa Sall car les statistiques condamnent leur cause. Reste, bien sûr, l’exception d’un verdict qui innocenterait le maire de Dakar, dans le sillage de la Cour suprême kenyane qui annule une victoire attribuée au président sortant  ou de l’instance gambienne (dont la ténacité du président n’a pas été suffisamment louée) qui confirme la défaite de Yayah Jammeh. Les récentes revendications d’indépendance de la justice soutenues par la principale association des magistrats sénégalais seront également présentes à ce procès dont elles enregistreront l’amélioration ou la stagnation.

Qui ne se rappelle les procès dont la police, compagne inséparable de la justice, assure la sécurité ? Et qui finissent en courses-poursuites rythmées d’explosions dans une atmosphère de grenades lacrymogènes ? Or, les militants seront là avec des mots d’ordre de résistance face aux forces de l’ordre. Un verdict contesté d’avance, une période d’incertitude comme presque toujours à la veille d’élections de premier plan. Nul besoin d’être devin pour « voir » tout cela.

Le fait aggravant de ce procès, c’est que la conviction des soutiens politiques de Khalifa Sall, est que tout le processus mis en branle vise simplement à éliminer un adversaire de la course à la présidence avant même qu’il ne se soit officiellement déclaré. Le procès serait seulement un moyen parmi d’autres d’utiliser la justice à des fins politiques. La condamnation de Karim Wade ainsi que (même) le référendum du 20 mars 2016 poursuivraient le même but qui serait de rendre plus facile la réélection du président. Les avocats de la défense rejoignent sur ce point aussi les partisans de Khalifa sur ce point

Le contexte participe également à rendre les choses plus opaques. La mise hors-jeu du maire de Dakar ne satisfait pas seulement la mouvance mobilisée pour donner au président le second mandat pour lequel il avait déclaré son intérêt, à peine élu. Certaines forces d’opposition ne dédaigneraient pas une disqualification du maire pour inéligibilité par suite d’une éventuelle condamnation. Cela ouvrirait l’électorat de Khalifa comme un bassin de suffrages à conquérir.

L’épreuve judiciaire du maire de Dakar est arrivée au bon moment pour la majorité en place, c’est entendu, mais l’occasion n’est pas perdue pour toute l’opposition.

Mame Less Camara

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