En 2014, après une première tentative avortée trois ans plus tôt, le Qatar décroche l’organisation des championnats du monde d’athlétisme (tenus sur son sol en 2019). Il y a mis le prix : pour décrocher le gros lot, la monarchie du Golfe a payé Lamine Diack, le président de la fédération internationale dès 2011. Révélations.
Les commissions de Lamine Diack
Dans la vie, il n’y a pas que le foot. Le Qatar a fait du sport un outil d’influence – le pays avait déjà accueilli en 2015 le championnat du monde de handball. Il est aussi soupçonné sur un autre terrain, celui de l’athlétisme : depuis 2016 et les révélations du quotidien Le Monde, de lourds soupçons planent sur les conditions dans lesquelles il s’est porté candidat pour être le pays hôte des Mondiaux de 2019, après avoir perdu l’édition de 2017 (organisée à Londres).
Les deux documents que Blast s’est procurés et rend public aujourd’hui démontrent comme pour le football que l’émirat gazier n’a pas hésité à mettre la main à la poche pour s’offrir la compétition aux athlètes stars. Le bénéficiaire de ces commissions occultes n’est autre que l’ancien président de la fédération internationale d’athlétisme (la International association of athletics federation, rebaptisée World athletics et désormais présidée par le britannique Sebastian Coe), le Sénégalais Lamine Diack.
4,500,000 dollars (…) sur le compte numéro 100224834 de Diack
Le premier document, en date du 5 octobre 2011, émane du ministre de l’Economie et des Finances qatari, Youssef Hussein Kamal. Il est adressé au directeur du cabinet du prince héritier. Son contenu ne laisse aucun doute sur la raison des fonds versés au patron de l’athlétisme mondial.
Le courrier « confidentiel et urgent » du 5 octobre 2011, adressé par le ministre de l’Economie et des Finances au prince héritier, via son dircab
Nasser Al-khelaifi fait le job
Le 14 octobre 2011, Nasser Ghanim Al-khelaifi paraphe ce document. Objet du courrier : « commission de Mr Liamine Diack »…
Lamine Diack, un spécialiste
Au cours de son long mandat à la tête de la fédération internationale d’athlétisme (de 1999 à 2015), Lamine Diack a accumulé les affaires. En novembre 2015, la justice française l’avait épinglé et mis en examen pour corruption aggravée dans celle du dopage généralisé des athlètes russes. La procédure a débouché sur un procès, en juin 2020. Le jugement, rendu en septembre de la même année, l’a condamné à quatre ans de prison (dont 2 avec sursis). Depuis, Lamine Diack s’est pourvu en appel.
En mars 2019, le Sénégalais a à nouveau été mis en examen pour corruption par la justice française, dans une autre histoire, dans le dossier de l’attribution des Jeux Olympiques de 2016 (organisés à Rio) et de 2020 (de Tokyo, reportés à 2021 pour cause de covid). Ayant payé une caution de 500 000 euros, le dirigeant mis en cause a été autorisé, en mai 2021, à quitter la France et à rentrer au Sénégal.
Contacté via son bureau parisien de Bein Sports et son avocat, Nasser Al-Khelaïfi n’a pas répondu à Blast. Pas plus que Lamine Diack, que nous avons sollicité en contactant son conseil à Paris. Enfin, l’ambassade du Qatar n’a pas donné suite à nos questions, transmises par mail. Comme à son habitude.
(1) La date de la rédaction et de la signature de ce courrier et celle de l’objectif expressément désigné (les Mondiaux de 2017) laissent apparaitre que le dispositif mis en place au soutien de la candidature qatarie a donc échoué dans un premier temps, pour l’obtention de l’édition de 2017. Avant de porter ses fruits, pour celle de 2019.